samedi 26 octobre 2019

Toscane, Marches, Ombrie, Saint-Marin

Vers la mi-octobre, je me suis décidé très rapidement pour une balade BIG, vite avant que l’hiver n’arrive. J’avais d’abord envisagé l’Adriatique, en descendant de Trieste à Split et retour par Ancône, mais le programme était trop dense pour le temps dont je disposais et j’ai donc opté pour la proximité et l’Italie. Le passo de la Futa étant le BIG le plus au nord de ceux qui me restaient dans la Botte, je décidai donc un départ depuis Florence.

Comme souvent mes voyages en Italie commencent par une petite balade matinale pour aller prendre le train à Vintimille. Cette fois-ci les ennuis arrivent dès le départ puisque je casse une pédale du côté de Roquebrune. Heureusement je prévois toujours large quand il s’agit d’attraper un train et j’arrive malgré tout à temps à la gare. A Florence, je descends à la station de Rifredi, car mon téléphone m’avait signalé un magasin Décathlon tout proche. Et ainsi, quelques minutes après, je reprends la route avec une paire de pédales toutes neuves.

La route monte dès la sortie de Florence, mais à Pratolino un virage à gauche marque le début d’une longue descente jusqu’au lac de Bilancino. J’arrive alors sur une route très fréquentée et me dépêche de tourner à droite vers Galliano. La route est d’abord assez plate avant de monter un long moment, puis de redescendre un peu en passant devant l’important établissement de l’eau minérale Panna. Je recommence à monter jusqu’au col, où je fais demi-tour pour me diriger vers le passo La Calla. Je reste pour la descente sur la route principale, pour m’éviter la remontée de Panna, mais toutes les montagnes russes que je dois franchir me font dire qu’elle ne fait pas gagner beaucoup de dénivelé.

J’avais étudié les distances et les dénivelés pour rejoindre le passo la Calla, et j’avais conclu que l’option la plus courte passait par Castagno d’Andrea. J’avais bien vu qu’il y avait une partie non goudronnée dans la montée, mais je l’avais largement sous-évaluée. Elle fait largement plus du double des 3 km que j’avais mesuré sur la carte, est par certains moments complètement non cyclable et passe pour couronner le tout par un col à 1500 m. Tout cela explique que j’arrive au passo la Calla beaucoup plus tard que prévu et c’est dans la nuit que je parcours la descente jusqu’à Stia, où je profite de mon premier hôtel.

Le lendemain matin, je descends la vallée de l’Arno jusqu’à Poppi, où je prends la direction du passo dei Mandrioli. Arrivé en haut, je ne redescends pas de l’autre côté, même si juste après le col un magnifique panorama se découvre vers la Romagne, mais je fais demi-tour en direction du sanctuaire de la Verna. Arrivé au sanctuaire, je cherche un endroit joli pour la photo souvenir. Je m’avance dans la direction que prennent les nombreux visiteurs du lieu (nous sommes dimanche), contourne les bâtiments, passe sous un porche et arrive enfin sur une belle esplanade, d’où la vue s’étend sur tous les alentours, et où une immense croix fournit un repère idéal pour marquer l’arrivée du BIG.

Après la petite remontée du valico della Spina, je descends vers Pieve Santo Stefano, d’où je me dirige vers le Monte Fumaiolo. Je remonte la vallée du Tibre sur une petite route où je suis pratiquement seul, grâce à l’autoroute qui parcourt la même vallée. En traversant le village de Valsavignone, je crève, mais j’ai beau examiner mon pneu, je ne trouve pas la cause de la crevaison (j’aurais dû mieux regarder, car je vais encore être très embêté avec ce pneu). Après avoir réparé, je continue la montée jusqu’au Monte Fumaiolo, aux sources du Tibre. J’ai découvert par la suite qu’il y avait une fontaine officielle à proximité du col, mais je n’y suis pas allé.

J’attaque la descente en direction de Rimini et de Saint-Marin. Nous sommes dimanche après-midi et je me retrouve bientôt au milieu des nombreuses voitures des promeneurs qui redescendent des montagnes. A Novafeltria, nous sommes arrêtés quelques minutes pour laisser passer un flot ininterrompu de voitures descendant des montagnes environnantes. A partir de là, je roule dans un embouteillage continu jusqu’à la bifurcation vers Saint-Marin, où la circulation reste quand même assez dense.

J’arrive en haut au moment où la nuit tombe, parcours quelques ruelles de la vieille ville, prends quelques jolies photos des châteaux surplombant la falaise et redescends vers la vallée de la Conca. Je pensais trouver un hôtel sur la route de Carpegna mais les possibilités ne semblent pas très nombreuses. Il est déjà tard, et à ce moment je crève une deuxième fois. Je répare rapidement, il fait nuit noire, et je me dis qu’il n’est plus possible d’arriver à Carpegna à une heure raisonnable, je m’affole un peu et je reprends donc la direction de la descente en me disant que j’aurais plus de chance de trouver un hébergement. Entre hôtels fermés et B&B complets, je finis très loin de mon parcours, à Morciano di Romagna. Mais bon, je suis logé, quelques kilomètres en plus me préoccupent beaucoup moins que mon pneu arrière qui crève à répétition.

Je repars le lendemain en me disant que j’achèterai un pneu à la première boutique de vélo ouverte, mais elles sont rares dans ma direction. Après avoir remonté tout ce que j’avais descendu la veille,je tombe sur des panneaux indiquant que la route est fermée et m’envoyant sur une petite déviation au milieu des collines. Je tourne tout en me disant que j’ai tort, et effectivement j’ai l’impression d’avoir été le seul. La route monte, puis descend très raide, et se dégrade très fortement. Dans une énième montée raide, je crève une troisième fois. Cette fois-ci plus qu’une seule chambre à air de rechange, je passe alors un long moment à regarder mon pneu sous toute les coutures et finis par trouver un fil de carcasse qui dépasse. Je le recouvre, regonfle et repars en priant avoir trouvé l’origine du problème.

A Macerata Feltria, je me retrouve sur des routes plus carrossables et avance vers Carpegna où il y a apparemment un magasin de vélos. Mais déception, il est fermé et semble être de toute façon spécialisé dans le VTT électrique. Il ne me reste plus qu’à continuer mon programme et grimper le BIG spécial Pantani. La route est minuscule, très raide et irrégulière, mais des panneaux indiquant le kilométrage restant à chacun des 22 virages permettent de mesurer son avancée. De temps en temps, des reproductions de journaux rappellent les grandes heures du Giro sur le Monte Carpegna. Tant et si bien que j’arrive en haut, accueilli par un Pantani plus grand que nature.

Après la descente je continue, toujours préoccupé par mon pneu. Le moindre passage sur un goudron irrégulier me fait craindre une crevaison, je roule vraiment avec une épée de Damoclès au dessus de la tête. Je rejoins Borgo Pace par le passo della Spugna, non goudronné en partie, et commence la montée de la bocca Trabária, heureusement sur une route impeccable. Enfin, en bas de la descente, dans la ville de San Giustino, j’achète un pneu tout neuf et refais mon stock de chambres à air, je suis sauvé. Après avoir passé toute la journée avec la hantise d’une crevaison fatale, je suis un peu usé moralement et me contente ensuite des quelques kilomètres jusqu’à Citta di Castello où je m’arrête pour la nuit.

Le lendemain matin la ville est plongée dans le brouillard lorsque je repars vers le Monte Nerone. Heureusement pour moi, j’en sors rapidement en gravissant les pentes de la bocca Seriola. Après la descente et avoir tourné vers le Monte Nerone, je suis intrigué en traversant le village de Colombara par ce qui me semble être une immense mappemonde, et effectivement il s’agit de la Mappemonde de la Paix, construite à l’initiative d’un habitant du village, Orfeo Bartolucci.

Après une petite pause à Serravalle di Carda, j’attaque la dernière partie de la montée, où je peux prendre de jolies photos de la route que j’emprunte et du Mont Carpegna que j’ai grimpé la veille. Je monte jusqu’au portail de l’antenne (on ne peut aller plus haut), je me repais du paysage à 360° que l’on découvre de là-haut, puis je redescends en direction de Pianello. Après un beau monument au passage du Giro 2009 et une petite remontée, la vraie descente commence. La route se love tout d’abord en larges lacets au milieu des près avant de rentrer dans la forêt. Il faut vraiment faire attention car la route est très dégradée et pleine de trous, on se demande comment le tour d’Italie est passé par là il y a tout juste dix ans.

Une petite montée par une route très tranquille vers le village de Moira, la descente suivante et la montée du passo della Scheggia m’amènent sur une route plutôt descendante jusqu’à Fossato di Vico, au pied de la Cima Mutali. Ce BIG est le pendant du Monte Carpegna : même distance, mêmes fortes pentes sur une petite route isolée. J’entends passer des trains pendant ma montée, j’aperçois des rails en retraversant la ville, mais je ne cherche pas plus loin, alors qu’une jonction en train m’aurait sans doute fait gagner du temps et surtout éviter pas mal de nationales inhospitalières.

Je prends donc en vélo la direction de Fabriano. Je m’inquiète un peu car des panneaux annoncent la route fermée, mais il s’agit de l’ancienne nationale, remplacée aujourd’hui par la SS 76. Et de ce fait la vieille route que j’emprunte par le valico di Fossato est tout à fait tranquille. A Fabriano il est un peu trop tôt pour que je m’arrête, et je décide de pousser jusqu’à Matelica à une vingtaine de kilomètres. Je fais les choses bien, appelle un hôtel et lui dis que j’arriverai dans une petite heure. Mais je me retrouve complètement perdu à la sortie de Fabriano dans un réseau de nationales inextricable, je suis dirigé vers l’est alors que ma destination est au sud, bref j’essaye alors de rejoindre mon itinéraire par un petit chemin que me montre la carte.

Résultat, je me retrouve sur une piste en terre, traverse une voie ferrée par un passage souterrain et arrive finalement devant la barrière d’une propriété privée. Je ne sais pas où aller sinon, alors je continue, pousse mon vélo dans une montée pour les tracteurs, fais demi-tour, reprends une autre piste en montée et me retrouve finalement sur un chemin plus carrossable. Je suis heureux de franchir une autre barrière qui me fait sortir de la propriété privée, et me retrouve enfin sur une route. J’ai compris plus tard qu’il aurait suffi que je continue sur la route où j’étais pour arriver tranquillement à Matelica en contournant la colline que je me suis évertué à grimper. Quoi qu’il en soit j’arrive à l’hôtel, un peu plus tard qu’annoncé, mais cela fait partie des petits aléas de la balade.

Le lendemain, je me réveille très tôt et comme je sais que j’ai jusqu’à San Severino Marche un parcours sur une nationale difficilement évitable, je décide de partir tout de suite. Effectivement le trafic est supportable au début, mais se densifie peu à peu et je suis bien content de pouvoir à Rocchetta quitter la nationale pour me retrouver sur des routes plus accueillantes qui m’amènent en longeant la rivière jusqu’au pied de Montelupone. Après avoir grimpé ce BIG plutôt littoral, je retourne vers les montagnes en me dirigeant vers Amandola. Là encore la circulation est très dense, tant est si bien que je quitte la route directe et passe par les villages perchés de Torre San Patrizio, Rapagnano et Montegiorgio. Après être descendu, je retraverse la nationale vers Belmonte Piceno et Servigliano et retrouve enfin la route d’Amandola, beaucoup plus tranquille maintenant.

Les montées et les descentes se succèdent jusqu’au dernier embranchement pour la Forca di Presta où je me retrouve brutalement écrasé par l’immense muraille du Monte Vettore qui apparaît face à moi. Après avoir franchi le col, je profite des dernières lueurs du jour pour découvrir le Pian Grande, une vaste plaine insolite de par ses dimensions, son aspect totalement plat et la ceinture apparemment ininterrompue de montagnes qui l’entoure. J’en sors par une montée qui m’amène vers les derniers kilomètres de la Forca Canapine.

Je me faisais du souci pour ce col, car j’avais pu suivre sur le site BIG les comptes rendus disant comme la route avait souffert des tremblements de terre. Mais j’ai eu le soulagement de constater que la route était maintenant complètement refaite, et qu’on pouvait monter jusqu’au col sur un revêtement tout neuf. Dès après le col en revanche, la route est toujours bloquée et je ne sais pas dans quel état se trouve la descente vers Tufo. Je fais donc demi-tour en direction de Norcia où, d’hôtels fermés en hôtels complets, je me retrouve au palazzo Seneca, un hôtel de grand luxe, mais on ne se refuse rien lorsqu’il s’agit des BIG.

Le lendemain, je m’élève au dessus de Norcia jusqu’au passo della Civita, puis redescends vers Leonessa. Une brève montée avant d’arriver m’amène au pied du Terminillo. Allez, plus que 1000 mètres de dénivelé et j’ai fini ! La montée de la sella de Leonessa se fait en grande partie dans la forêt, en suivant d’abord le fond de la vallée, puis avec de plus en plus de lacets au fur et à mesure qu’on s’élève. En sortant de la forêt, on aperçoit à gauche la route qui s’accroche à une falaise, et à droite la cime du Monte Terminillo. Encore quelques lacets et je suis au col, quatorzième et dernier BIG de mon périple.

Je me lance dans la descente, traverse la station de ski de Terminillo que je n’imaginais pas aussi grande, et arrive à la gare de Rieti. Je n’ai pas le choix, car une seule ligne y passe, qui va à Terni. A partir de Terni, je dois redescendre à Rome prendre un train qui, j’espérais,me permettrait d’être le soir à Vintimille. Mais le trop grand retard de ce train m’oblige à dormir à Milan, et c’est donc seulement le lendemain midi que je suis de retour à Nice.
Plus de photos : http:/cathie.charbonnier.free.fr/piwigo/index.php?/category/167

vendredi 19 juillet 2019

Jura, Vosges, Forêt Noire


A la fin juillet, une rencontre entre BIG et Cent Cols était organisée au Schliffkopf, dans la Forêt Noire. Je ne pouvais manquer ça, surtout dans une région où j’avais tous les BIG à découvrir. Disposant de la semaine précédente, j’en profitai pour établir un programme incluant quelques BIG dans le Jura, plus tous ceux des Vosges et de la Forêt Noire.

Mon périple commence le vendredi soir à Antibes où je prends le train pour Lyon. J’y suis sur place pour attraper le lendemain le premier train pour Culoz, au pied du Grand Colombier. La montée offre très vite de jolies vues sur le Rhône et le lac du Bourget. On aperçoit la dent du Chat qui me rappelle une montée ardue effectuée il y a quelques années. Après une ascension pas facile non plus, j’arrive au col et redescends vers le Valromey que je traverse pour attaquer le relais de Planachat. La montée se fait par une petite route en piètre état, étroite et peu fréquentée, comme on les aime. Arrivé en haut, il faut faire quelques mètres sur une piste pour atteindre l’antenne but de la montée, et la table d’orientation juste au-dessus.

Depuis mon inscription au club des Cent Cols, je prête attention aux cols qui jalonnent mes parcours BIG, prévoyant même de légers crochets pour en attraper quelques-uns de plus. Ce que je fis en allant chercher le col de la Lèbe dans la descente du relais (plus tard dans la journée, j’avoue que je laissais tomber la plupart de ces détours). Après le col de Ballon, qui se trouvait lui sur mon parcours, une bonne descente m’amène dans la vallée du Furans et après un court passage sur la nationale, j’attaque la montée vers Ordonnaz et arrive finalement au col de Portes.

J’entame ensuite une liaison assez longue jusqu’au signal de Cuiron. Le trajet est agréable, sur les contreforts du Jura. Le relief est un peu plus marqué que ce que je souhaiterais mais me permet d’engranger un certain nombre de cols avant d’atteindre le BIG. Les pentes qui amènent au signal de Cuiron, sur le mont July, sont ardues, surtout en fin de journée, mais je parviens quand même en haut. Après le BIG, je continue vers le nord en direction du prochain objectif, le mont Poupet, mais il est presque 20 heures et il est temps de chercher un hébergement pour la nuit.

J’étais un peu inquiet car la contrée me semblait très agricole et peu portée vers le tourisme mais un petit coup d’œil à mon téléphone me montre un hôtel tout près, dans le village de Simandre-sur-Suran. Un dernier petit col, le col de la Rousse, et je suis à bon port, après une journée fructueuse à 4 BIG.

Le lendemain je repars plein nord vers le département du Jura, où j’arrive assez vite. Je le traverse presque entièrement en restant toujours à une altitude qui oscille autour des 600 mètres. Mais au moment où j’arrive en vue du Mont Poupet, la route plonge sans rémission vers Salins-les-Bains et me fait donc commencer la montée vers le BIG à une bien basse altitude. Je m’inflige au début des pourcentages énormes en prenant un raccourci qui ne s’imposait sans doute pas, puis retrouve la route principale jusqu’à l’embranchement en cul-de-sac qui amène au sommet. Les 4 derniers kilomètres descendent rarement en dessous des 10%. Après un petit replat, la dernière rampe est la partie la plus terrible mais les derniers hectomètres sont heureusement plats.

Je repars ensuite en direction de Besançon, pour mon dernier BIG en Franche-Comté, le fort de Chaudanne. Je fais mon entrée dans Besançon en suivant des pistes cyclables agréables le long du Doubs, et clôture ma première série de BIG par une nouvelle montée bien raide et ensoleillée, en cette période caniculaire de juillet. Je me rends finalement à la gare, à une douzaine de kilomètres de là, prendre le train pour Strasbourg où je passe la nuit. Les BIG se présentant en effet comme deux lignes parallèles dans les Vosges et la Forêt Noire, j’avais prévu de parcourir les Vosges vers le sud, puis de remonter vers le nord par la Forêt Noire, en commençant et finissant le parcours à la gare de Strasbourg.

Le lendemain une longue portion de plaine m’attend avant d’arriver au pied du premier BIG. Le parcours est agréable le long du canal de la Bruche. Je traverse ensuite le joli centre-ville de Mutzig et entame à Schimerk la montée vers le col du Donon. La montée n’est pas très dure, arrivé en haut je fais demi-tour vers le Champ de Feu. Là non plus les pourcentages ne sont pas effrayants et j’atteins le BIG sans trop de difficulté.

Il y a un grand intervalle entre ces deux premiers BIG dans les Vosges du Nord et les sept autres qui sont tous situés au sud. Le plus rapide aurait été de redescendre dans la plaine et longer le massif mais la solution me paraît trop facile pour être acceptable. Et surtout j’ai envie de jeter un coup d’œil au château du Haut-Koenigsbourg (souvenir de bandes dessinées enfantines). Je prends donc un itinéraire plus montagneux, en accrochant au passage les cols de Fouchy et du Schaentzel. Le château est moins impressionnant vu de près que lorsqu’on l’aperçoit dominant toute la plaine d’Alsace, mais à l’inverse la vue d’en haut sur cette plaine est magnifique et extrêmement étendue.

Après cet intermède touristique, je n’ai plus de scrupules à redescendre, mais mon parcours, que j’avais fait suivre les itinéraires cyclistes recommandés, s’avère une succession de raidards indigestes. Je rate à un certain moment un embranchement, ce qui me ramène sur la grand-route, où je ne suis pas fâché d’avancer rapidement même s’il y a davantage de circulation.

J’arrive ainsi au pied du Petit Ballon. Contrairement aux deux premiers BIG, la montée est très dure, la traversée du village de Wassembourg étant particulièrement raide. J’atteins quand même le sommet, passablement fatigué car la journée touche à sa fin, puis fais demi-tour pour redescendre vers Munster et le col de la Schlucht. Dès le début de la montée je regarde sur le bord de la route s’il n’y a pas un hôtel. Dans Soultzeren, il y en a un dont je me demande s’il est ouvert ou fermé. J’entends à cet instant une voix venant de l’intérieur. Le nouveau gérant, qui était effectivement en train de faire quelques travaux dans l’hôtel fermé, me fait entrer avec un sens du commerce tout oriental. J’ai même droit au repas du soir alors qu’il n’y a personne d’autre que moi dans l’hôtel.

Bien reposé, je termine le lendemain le col de la Schlucht, qui est long mais particulièrement peu pentu. Je traverse ensuite Gérardmer pour aller grimper le col de Grosse Pierre. Ce n’est pas non plus un très gros morceau, la descente que je prends côté Cornimont est beaucoup plus longue. Le BIG suivant, le ballon de Servance, se grimpe par une petite route étroite et agréable, bien qu’irrégulière et assez pentue par moment.

Je m’étais rendu compte en préparant mon voyage que je passais au pied de la Planche des Belles Filles, ascension célèbre du Tour de France, et j’avais rajouté cette montée avec enthousiasme. Mais plus j’approchais plus la petite voix dans ma tête « ce n’est pas un BIG, ce n’est pas un BIG, … » se faisait insistante. Arrivé au pied, en début d’après-midi sous une température de 40°, je me retrouve face à une route large, rectiligne et remplie de véhicules de toute sorte : motos, autos, vélos, … tout le contraire du Ballon de Servance. J’entame la montée mais je prends vite (50 mètres environ) la décision de renoncer à ce supplément a priori peu agréable.

Le BIG suivant est la Ballon d’Alsace, une belle montée aux pourcentages« standard ». Le profil complet est affiché en bas et des panneaux destinés aux cyclistes figurent tous les kilomètres, ainsi qu’au sommet. Un peu avant le BIG suivant, le Petit Drummont, une petite route parallèle à celle du col de Bussang permet de laisser cet itinéraire très fréquenté, tout en faisant découvrir les sources de la Moselle. Les cinq derniers kilomètres sont longs et difficiles, mais avec de la patience je finis par arriver en haut.

Mon dernier BIG de la journée est le Grand Ballon. Je prends pour y accéder une toute petite route au départ de Saint-Amarin. Elle est encore une fois très pentue par moment, et assez dégradée sur sa partie haute. Pour la dernière partie de la montée, je rejoins au col de Haag une route plus importante. Je suis en haut vers 19h30, et espère pouvoir dormir à l’hôtel du sommet, mais il ne peut m’accueillir. Je prends alors la descente, entrecoupée au début de petites remontées dont je me passerais bien à cet instant, et trouve finalement un hôtel juste au pied, dans la ville de Uffholtz.

Le début du lendemain est plat puisque je retraverse la plaine pour aller vers l’Allemagne. Dès le premier BIG, Blauen, je vois que les pourcentages ne seront pas plus faciles que du côté vosgien. La route du deuxième BIG, Belchen, monte jusqu’au parking d’une télécabine, où une très courte portion non goudronnée amène jusqu’aux derniers kilomètres de la montée, réservés aux vélos. Je finis la journée avec le Weißenbachsattel, un col classique sur une route assez importante.

Il est maintenant l’heure de me trouver un hôtel. Le prochain BIG sur ma liste est le Feldberg, point culminant du massif de la Forêt Noire et donc cul-de-sac. Puisque je dois passer à Todtnau à l’aller et au retour, je me dis que dormir là me permettrait de faire la montée le lendemain en laissant tout mon barda à l’hôtel. Ce que je fais et je prends donc en me levant la direction du Feldberg. Depuis la vallée, on aperçoit une tour que je pense être le sommet, mais il s’agit en fait de son petit frère tout proche, le Seebuck. Peu après un col je quitte la route principale et rejoins très vite une station avec de grands hôtels. A partir de là, la fin de la montée se fait sur une petite route au milieu d’un paysage très verdoyant. Une fois le sommet atteint je redescends à mon hôtel où je profite du petit déjeuner avec un bel appétit.

Je repars ensuite pour de bon vers les deux BIG suivants, Schauinsland et Kandel Pass, en haut desquels je fais demi-tour à chaque fois. Arrivé là, je m’aperçois que j’ai mal enregistré sur mon GPS la portion de trace qui devait m’amener au Lochenpass. Heureusement, mon téléphone me sauve puisque j’arrive à y télécharger ce parcours. C’est moins pratique mais j’arrive quand même à avancer. Le Lochenpass est un peu éloigné vers l’est par rapport aux autres BIG et je ne peux pas l’atteindre avant le soir. Je descends donc vers Schömberg pour trouver un hôtel et dois attendre le lendemain pour grimper ce BIG avant de repartir vers les trois derniers de la Forêt Noire : Löcherbergwasen, Schliffkopf et Hornisgrinde.

Après une longue portion vallonnée, j’arrive à une descente très raide qui rejoint le centre-ville de Schiltach, d’ailleurs très joli avec ces maisons à colombage. J’ai réalisé après coup que cette descente correspondait au Natacha Zollhaus, qui mérite pleinement son inclusion dans la liste vu la pente. Je franchis ensuite le Kreuzsattel pour arriver au pied du Löcherbergwasen. Une fois passé cet antépénultième BIG, je retrouve Oppenau en bas de la descente. Toujours soucieux du lendemain, j’avais inclus le Schliffkopf dans mon parcours même s’il était prévu que j’y retourne deux jours après. Mais la route qui m’aurait permis d’enchaîner Schliffkopf et Hornisgrinde était barrée pour travaux. De plus, un panneau indiquant 18% (!) de pente ne m’incitait pas à tenter ma chance au risque de devoir tout redescendre.

Après avoir consulté mon GPS, je prends donc la direction d’Appenheimer, et rejoins la route des Crêtes qui mène à ces deux BIG. J’aurais pu comme prévu atteindre le Schliffkopf au prix d’un aller-retour de quelques kilomètres. Mais il se faisait tard, et sachant que je devais y retourner, je décide donc finalement de laisser le Schliffkopf pour le rassemblement du dimanche et tourne vers Hornisgrinde.

La montée finale vers Hornisgrinde débute près d’un joli petit lac que l’on domine rapidement. Tous les 10 mètres gravis sont indiqués sur la route, ce qui est encourageant. L’ascension se termine au pied d’une tour dans laquelle je n’ai pas pensé à grimper. Je repars vite car il est tard et me trouve un hôtel dans la descente.

Mon programme de BIG s’étant déroulé sans anicroche, je disposais d’une journée entière avant de rejoindre Oberkirch. J’en profitais pour aller grimper le Grand Wintersberg, que j’avais réservé pour ce cas de figure. Pour l’atteindre, j’avais à nouveau une longue traversée de la plaine alsacienne, par Bischwiller, Haguenau et Niederbronn les Bains. La montée du Grand Wintersberg n’est pas trop dure, à l’exception de la dernière rampe. Cette fois-ci je n’ai pas manqué de grimper la tour de 25 m de haut qui se trouve au sommet. Je repars ensuite rapidement vers Haguenau attraper le train pour Strasbourg. Après une vingtaine de kilomètres à vive allure, j’arrive à temps pour attraper le train en provenance de … Niederbronn les Bains ! Décidément, il va falloir que j’apprenne à lire un horaire SNCF.

La reprise du pédalage à la gare d’Appenweier est laborieuse mais le trajet n’est pas très long et je peux ainsi profiter de presqu’une après-midi entière de détente à Oberkirch. Le soir je me joins au dîner à l’hôtel qui me permet de mettre des visages sur quelques Biggers avec qui je suis en contact depuis plusieurs années (je ne vais pas tous les citer, car je suis sûr d’en oublier, mais le cœur y est).

Le lendemain le ciel est très couvert, alors que je venais de passer huit jours très ensoleillés voire caniculaires. Peu importe, nous nous mettons en route. Enrico Alberini avait concocté le parcours, qui se dirigeait vers le Schliffkopf en allant cueillir quelques cols latéraux, en général au bout de montées très pentues (quand ce n’est pas des descentes très pentues qu’il faut remonter ensuite). Je crève en route, aidé pour la réparation par Daniel Gobert qui a dû se faire une piètre idée de mes talents de mécanicien.

Enfin le dernier BIG arrive, et une fois n’est pas coutume, je suis accueilli au sommet par un bon casse-croûte bien réconfortant. Nous mangeons, écoutons les discours des présidents, puis prenons la photo commémorative de l’événement. J’avais réservé mon train de retour, et dans ces cas-là, si je n’ai pas trois heures d’avance, je me considère comme horriblement en retard. Je prends donc congé de tout le monde rapidement et redescends vers la gare d’Appenweier. La petite bruine de la matinée se transforme maintenant en une pluie battante, je longe une voie ferrée mais les horaires affichés à une petite halte me font voir que je n’ai rien à gagner à attendre. La pluie s’arrête, la route est plate, tranquille, j’atteins finalement Appenweier dans de bonnes conditions.

Evidemment à Strasbourg je suis largement en avance et peux même avancer mon départ. A Paris je débarque en pleine arrivée du Tour de France. Après une douche chez ma sœur, nous descendons voir passer les champions. En tant que Niçois, je suis tout fier de voir l’équipe INEOS mener le peloton, encadrant le maillot jaune Egan Bernal. Issa INEOS !Et il ne me reste plus, après la nuit à Paris, qu’à prendre un dernier train pour Nice et rentrer à la maison avec 26 BIG de plus dans mes bagages.

Je ne terminerai pas cet article sans m’accorder un petit satisfecit personnel. En effet, j’avais chargé dans mon GPS une version plutôt ancienne des positions des BIG, et j’avais constaté que certains sommets n’étaient pas très bien placés. Mais en rentrant à la maison avec la ferme intention de tout corriger, j’ai eu la bonne surprise de constater, qu’à l’exception du Kandel Pass où le sommet se trouvait 600 m avant le col, tous les autres avaient déjà été bien replacés. J’ai donc eu le plaisir de constater que le travail, mené avec Etienne Mayeur, de reprise de tous les tracés des BIG n’avait pas été inutile, loin de là.

Plus de photos : http:/cathie.charbonnier.free.fr/piwigo/index.php?/category/162

vendredi 26 avril 2019

Punta Serpeddi, 6+6 Isole, Monte Pellegrino


L’Italia del Grand Tour permet sur quatre ans de visiter toutes les régions d’Italie à vélo : le centre-nord avec la 1001 Miglia, le sud avec la 999 Miglia de Rome et les Alpes avec l’Alpi 4000 de Bormio. La dernière épreuve, la 6+6 Isole, propose deux randonnées de 600 km en Sardaigne et en Sicile, séparées par une nuit de bateau entre Cagliari et Palerme. J’étais impatient de terminer ce challenge, démarré en 2016, afin de conquérir le titre ô combien prestigieux de Grand Randonneur d’Italia.

J’avais en 2014 traversé la Sardaigne du nord au sud, en grimpant bien sûr les BIG au passage, à l’exception de la punta Serpeddi, qu’après une tentative avortée j’avais jugée trop chaotique pour un vélo de route. L’occasion était belle de combler cette lacune et j’avais donc pris soin avant mon départ de réserver un VTT de location.

J’établis rapidement le programme de mon mini-séjour en Sardaigne : départ en train de Nice vers Toulon le dimanche pour un embarquement le soir, liaison en vélo de Porto Torres à Sassari le lundi matin, train jusqu’à Cagliari l’après-midi pour une arrivée à Quartu Sant’Elena en début de soirée, après quelques kilomètres de vélo depuis la gare. Le lendemain mardi, ascension de la punta Serpeddi, avant une journée du mercredi consacrée aux formalités d’inscription et au repos avant le départ du soir.

Au moment du départ, une petite anicroche commença à bousculer mes plans.Tous les trains étaient supprimés pour travaux ce week-end là, entre Cannes et les Arcs. Les informations contradictoires que j’avais pu avoir à la gare n’ayant pas levé mes doutes quant à un arrêt total sur le tronçon Nice-Marseille, je partis le lendemain matin, dès que je fus prêt, pour me laisser le temps d’effectuer le trajet entier à vélo le cas échéant. Mais les trains allaient bien jusqu’à Cannes, et après avoir pédalé jusqu’aux Arcs, je pus prendre un train pour Toulon. Malgré son retard important, j’arrivai bien en avance, avec tout l’après-midi devant moi.

Alors que je me promenais vers le Mourillon pour tuer le temps, je rencontrai un quatuor de randonneurs franciliens, Guy, Mickaël, Geneviève et Vivian, qui prenaient le même bateau que moi et avec qui j’allais passer une bonne partie des jours suivants. Le reste du programme se déroula à peu près comme prévu : après nous être rendus ensemble à Sassari et pris le train, nous nous séparâmes à Cagliari, car j’avais privilégié pour mon séjour la proximité du loueur de VTT à celle du centre névralgique de la randonnée.


Le lendemain, j’échange donc mon vélo de route contre un vélo tout-terrain et pars vers la Punta Serpeddi. Le début se passe sur les routes assez plates de Quartu Sant’Elena, et ce n’est qu’au cimetière à l’entrée de Sinnai que la pente commence à se faire sensible. Plusieurs options sont possibles à la sortie de Sinnai. Un parcours part vers le nord et rejoint la piste de Dolianova, celui que j’ai pris est plutôt nord-est et rejoint celle de Burcei, les deux parcours se retrouvant juste avant la dernière rampe qui mène au sommet.


J’emprunte donc après Sinnai une petite route qui ondule entre les champs pendant cinq kilomètres. Au croisement avec la route de Tasonis, le goudron s’arrête et la piste apparaît, présentant d’abord une terre battue très facile à rouler. Au fil des kilomètres la piste se fait plus dure et parfois assez pentue. Des pourcentages très élevés se présentent juste avant l’intersection avec Burcei, mais la piste est heureusement cimentée à cet endroit. Au carrefour, la piste repart vers l’ouest, en devenant plus rude, et justifie pleinement l’utilisation du VTT. Enfin, après quelques portions plus planes, commence l’ultime rampe raide, et revêtue, jusqu’à l’antenne.

Le ciel était très menaçant depuis mon départ, avec par moments une petite pluie fine. Au sommet un bon vent est aussi de la partie. Je prends donc juste le temps nécessaire à la photo souvenir (mouillée) et à me rhabiller, puis redescends vite par le chemin pris à l’aller. Après une pause repas à Sinnai pour me réchauffer, je retourne à Quartu Sant’Elena attendre l’ouverture du loueur et récupérer mon vélo. Ça y est, j’ai grimpé tous les BIG de la Sardaigne !

Le lendemain, après avoir quitté mon appartement où tout le monde dormait (je n’aurais vu mes logeurs que quelques minutes lors de mon arrivée), je prends le chemin de l’hôtel Setar, lieu de départ de la randonnée, où Guy et Vivian se trouvaient aussi. Après les formalités, je retourne avec eux vers la villa qu’ils ont louée attendre l’heure du repas du soir et du grand départ qui sera donné en nocturne.

Enfin le moment tant attendu finit par arriver et vers 23h30 je m’élance dans la deuxième vague de randonneurs. Je me pose toujours la question dans ces épreuves de savoir quelle allure adopter. J’ai peur en allant trop vite de flancher par la suite, et en allant trop lentement de perdre du temps que je n’arriverai pas à rattraper. Toujours est-il que ce soir-là je suis plutôt pour l’option rapide et je rattrape dans le premier col pas mal de participants du premier groupe. Le col franchi, je pars dans la descente qui, avec sa pente assez douce et le fait qu’on soit de nuit, me paraît encore plus longue que la montée. Sur la portion de plat suivante, je roule à nouveau à allure rapide au sein d’un groupe, mais une crevaison de ma roue arrière met malencontreusement fin à mes velléités de performance. Après avoir réparé je repars à un rythme plus raisonnable en direction du premier contrôle, Torre di Bari, qui se trouve au bord de la mer quelques kilomètres à l’écart de la route principale. Le buffet est copieux, je me régale d’un fromage blanc au miel délicieux, que je serai heureux de retrouver de temps en temps sur le parcours.

L’étape suivante nous emmène à Dorgali, et comprend donc l’ascension du seul BIG de la randonnée (que nous ferons dans l’autre sens au retour), le Genna Silana. Comme je l’avais remarqué lors de ma précédente visite, les pourcentages de ce col (ainsi que des routes sardes dans leur ensemble) sont rarement élevés, même si je parcours cette fois-ci le versant opposé. Au croisement de Talana, je me retrouve sur une route déjà empruntée quelques années auparavant.

Après le col et la descente jusqu’à Dorgali, je repars en direction de Nuoro. La remontée vers Orgosolo est rude, sur un versant exposé au soleil. Pour ne pas être tentés de prendre un raccourci, nous étions dans l’obligation de présenter à l’issue du parcours une photo prise à Orgosolo. Les murs du village sont couverts de fresques et je suis tout content d’en trouver une représentant un compatriote, en la personne de Joseph Garibaldi.

L’accueil à Nuoro est sympathique comme toujours mais les conditions y sont assez spartiates : une esplanade avec peut-être trois chaises, pas de sanitaires, peu d’ombre, … Tant mieux, rien ne donne envie de s’attarder, je repars donc, avec Guy qui m’avait rejoint. Le passage le plus joli de cette étape est une route en corniche magnifique sur les flancs du Monte Albo, dans des paysages qui ne sont pas sans rappeler les Alpes-Maritimes. Après la descente vers Siniscola commence un tronçon un peu pénible. Nous ne sommes plus dans la montagne, mais les ondulations incessantes ne rendent pas le parcours plus facile, il y a davantage de circulation, on approche de la fin de l’après-midi et nous commençons à ressentir le fait que nous pédalons depuis la veille. Guy me dit qu’il est crevé et de ne pas l’attendre, puis il me rattrape, et c’est moi qui ai du mal à le suivre. Je le perds pour de bon à Orosei où je visite des rues bien pentues que j’aurais peut-être pu éviter, mais la traversée de cette ville ne m’a pas paru simple.

Dorgali est à nouveau l’arrivée de cette étape. La ville se trouve légèrement en altitude et la montée qui y mène s’avère un moment difficile. La nuit tombe, le sommeil commence à m’envahir, ma progression devient très laborieuse. Le passage sur quelques replats et le fait de rattraper quelques randonneurs qui me montre que certains sont encore plus usés que moi me redonne un peu d’énergie et j’arrive enfin à Dorgali où je profite sans me faire prier des couchages mis à notre disposition.

Il fait encore nuit lorsque j’attaque le versant nord du Genna Silana. Un peu reposé, je monte sans trop de problème, je suis juste un peu gêné tout en haut par un fort vent, dont je n’arrive pas à comprendre s’il est contre moi ou pour moi, il semble changer de sens à chaque instant. Je m’endors un peu dans la descente, mais continue jusqu’à Baunei. Dans le village, la vingtaine de vélos posés contre un mur me fait dire qu’il doit y avoir un café ouvert. Le patron s’affaire, un peu surpris par cet afflux matinal. Le café et les croissants me font du bien et m’amènent jusqu’à Bari Sardo, puisque les deux dernières étapes reprennent le parcours des deux premières en sens inverse.

J’y retrouve Guy, mais nous nous perdons immédiatement, la fatigue sans doute. Nous nous retrouvons cependant un peu plus loin, avec également Vivian, pour la montée du dernier col, l’Arcu e Tidu et la descente vers l’arrivée. Dans les derniers kilomètres de plat, la lassitude me fait ralentir un peu et laisser partir mes compagnons. J’arrive donc quelques minutes après eux, en ayant utilisé 39 des 40 heures allouées pour boucler le parcours. J’ai trouvé ce brevet particulièrement dur. Le fait que nous soyons partis le soir, et avons donc passé deux nuits sur le vélo, y est certainement pour quelque chose. Après une bonne douche, je parcours en groupe les quelques kilomètres jusqu’au port de Cagliari afin d’embarquer pour la Sicile. Vu l’état de fatigue dans lequel m’a laissé la Sardaigne, je ne suis pas très optimiste pour la réussite de mon brevet sicilien.

Il est agréable de profiter d’une soirée relaxante dans le bateau. Après un bon repas, je retourne dans ma cabine où j’ai la chance de passer une bonne nuit. Je me réveille juste à l’heure pour prendre un petit déjeuner sans précipitation. Lorsque le bateau accoste à Palerme, nous descendons sur nos vélos vers le lieu de départ, un hôtel du front de mer à proximité. Là, une table est placée au bord de la route, nous faisons tamponner en vitesse nos carnets de route, balançons nos affaires sur le tas à côté, et enchaînons immédiatement sur le 600 km de Sicile.

Je constate avec satisfaction que la nuit m’a fait du bien, et que je pédale bien plus facilement que la veille. Je fais toujours le cinquième mousquetaire dans le quatuor de mes amis parisiens emmené par Geneviève. Celle-ci va bon train et Guy et Vivian décident de prendre leur rythme. Personnellement je préfère profiter de mes bonnes dispositions actuelles pour faire le plus de chemin possible tant qu’elles durent, je reste donc avec elle et quelques autres randonneurs.

Geneviève a une âme de chef de troupe. Dans la montée de Termini Imerese, elle décide de faire passer le groupe par un chemin qui lui paraît meilleur que celui proposé. Je suis tout le monde dans un premier temps mais la traversée de la ville étant plus compliquée que prévu mon caractère indépendant se réveille et je décide de prendre mon destin en main. Mal m’en prend dans un premier temps, car je rate une intersection, et me retrouve séparé de la bonne route par une voie ferrée. Heureusement un passage souterrain au milieu des détritus me permet de retrouver le parcours.

La sortie de Termini Imerese marque l’entrée dans les terres. Là commence en effet l’Apennin sicilien qui va jusqu’à Messine. Pas moins de quatre BIG traversent cette chaîne montagneuse : Piano Battaglia Carbonara, Portella Femmina Morta, Portella dello Zoppo et Sella Mandrazzi. Malheureusement (ou plutôt heureusement) nous ne faisons que longer ces montagnes par leur versant sud, où ça grimpe déjà suffisamment.

Au début de la montée, une tribune étrangement située au bord de la route rappelle que la Targa Florio, une course automobile disparue, se déroulait sur ces routes le siècle dernier.Le reste de la journée se passe dans des collines verdoyantes magnifiques où le vent est omniprésent. Les montées et les descentes se succèdent. Le village de Gangi est particulièrement spectaculaire car il recouvre entièrement de ces maisons tout le sommet d’une montagne, dominé à l’arrière-plan par la silhouette imposante de l’Etna.

La route ondule autour des mille mètres d’altitude et la nuit commence à tomber. Avec le vent en plus, il ne fait pas chaud du tout et la beauté des paysages au soleil couchant en est un peu altérée. Le contrôle de Cesarò permet de nous réchauffer et de déguster des arancini bien chaudes. J’y retrouve Mickaël et Geneviève, puis Guy et Vivian arrivent. Je manque d’empressement pour attaquer la descente dans le froid et la nuit et laisse donc tout ce petit monde partir devant. Après une étape courte et descendante, j’arrive à Linguaglossa où nous sommes reçus dans un grand bâtiment, une sorte d’ancien monastère, comportant même une église dans sa partie centrale. Je dors un peu là et repars pour la deuxième partie du parcours, le retour vers Palerme qui suit intégralement le bord de mer.

Le jour se lève lorsque je traverse Nizza(!) di Sicilia. Peu après, je prends mon petit déjeuner au contrôle de Messine. Je roule ensuite seul, ou en groupe, au hasard des rencontres. Je tombe finalement sur Esteban, un habitué de ces randonnées, qui va m’accompagner, et même me soutenir sur la fin, jusqu’à l’arrivée, merci. Nous sommes rattrapés de temps en temps par de rapides groupes d’Italiens, auxquels nous emboîtons les roues histoire d’arriver plus rapidement au contrôle suivant.

Lorsque la nuit arrive, je m’aperçois que ma deuxième lampe a rendu l’âme (j’avais déjà dû récupérer celle de rechange en Sardaigne). Nous ne sommes plus très loin et Esteban se met derrière moi pour m’éclairer et m’accompagne ainsi jusqu’à l’arrivée. La circulation devient vraiment dense en approchant de Palerme, j’entends Elena qui roule devant moi dire à sa copine Laura « queste strade sono roulette russa », ce qui ne les empêche pas d’avancer à toute allure. Dans la dernière montée, à Bagheria, je jette l’éponge et laisse partir le groupe. Esteban continue de me prendre sous son aile (et dans la lumière de son phare) et nous atteignons finalement l’arrivée vers 21h. Ca y est, je suis Grand Randonneur d’Italia ! Ce deuxième brevet s’est finalement bien mieux passé que le précédent. Il faut dire qu’il était légèrement plus court et présentait un peu moins de montées. Et comme je l’ai dit, ne passer qu’une nuit sur la route au lieu de deux change beaucoup de choses.

Le San Paolo Palace est complet malgré sa taille imposante et je me retrouve devant la perspective pas très réjouissante de devoir chercher à cette heure tardive une chambre ailleurs en ville. Qu’à cela ne tienne, je rencontre Guy qui a réservé avec Vivian une chambre équipée de trois lits. On peut appeler ça de la chance.

Palerme possède son BIG, le Monte San Pellegrino, et je ne pouvais pas passer là sans le grimper. Je pars donc le lendemain matin, traverse le centre-ville et entame la montée. Les lacets sont nombreux et chaque épingle a la particularité d’être pavée, alors que le reste de la route est goudronné normalement. La vue est magnifique. On surplombe le port et on découvre tout le golfe de Palerme jusqu’au Capo Zafferano. Un passage sur le versant nord ouvre aussi de jolies vues vers le golfe de Mondello. Un sanctuaire très fréquenté se trouve en haut, et je traverse toute une rangée de boutiques de souvenirs plus ou moins religieux avant de tourner à droite pour le dernier tronçon de la montée.La route s’arrête à un parking, où une petite rampe permet d’atteindre la statue de Sainte Rosalie, patronne de Palerme.

Je profite de mon après-midi libre pour visiter la ville. Le soir je retrouve tous mes amis parisiens et repars avec eux au port d’où le bateau pour Gênes est prévu à 23 heures. Le départ ne se fait pas sans un petit peu de stress. D’abord lorsque nous sortons du restaurant, nous voyons que la grille du port juste en face a fermé. Heureusement une autre est ouverte un peu plus loin. Ensuite, Vivian met presque un quart d’heure pour retrouver ses papiers. Finalement tout s’arrange et l’embarquement se termine sereinement. Là encore, je squatte une couchette dans la cabine de mes amis parisiens, j’ai vraiment bien fait de les rencontrer à Toulon. La traversée se poursuit toute la journée du lendemain, nous longeons la Corse et passons tout près des îles de l’archipel toscan : Giglio, île d’Elbe, Pianosa, …

J’ai peu de temps lorsque nous débarquons à Gênes pour rejoindre la gare avant le passage du train pour Vintimille. C’est le moment que choisit mon GPS pour se mettre à dérailler. Je vais d’un côté, de l’autre, et les Parisiens sont tout surpris de me revoir passer devant eux alors que je venais de les quitter dans la précipitation. Finalement je trouve la gare et arrive sur le quai en même temps que le train, il était temps. A Vintimille, pour cause de travaux, le départ du train pour Nice est décalé à Menton. Je dois donc remonter sur mon vélo pour quelques kilomètres avant de prendre mon dernier train et retrouver la maison.

Plus de photos : http:/cathie.charbonnier.free.fr/piwigo/index.php?/category/154

lundi 4 février 2019

Canaries

La saison BIG a démarré tôt pour moi cette année car j’ai profité de tarifs d’avion vraiment intéressants entre Nice et Tenerife pour aller passer une semaine aux Canaries début février.

Une fois mon billet d’avion pris, il a fallu me préoccuper de louer un vélo, tracer les parcours vers les BIG, et étudier les déplacements entre les îles, puisque les six BIG des Canaries sont dispersés sur quatre îles différentes. Ce qui peut paraître comme une contrainte importune au départ m’a en fait apporté beaucoup de satisfaction, car ces déplacements d’une île à l’autre ont en quelque sorte démultiplié mon voyage en me faisant évoluer dans un environnement toujours très agréable, mais légèrement différent à chaque fois. Et ces îles étant très proches l’une de l’autre, je pouvais les apercevoir en permanence durant mes balades, ce qui m’y faisait retourner un peu par la pensée.

L’arrivée de l’avion était prévue à 16 heures, et le bateau du soir partait pour La Gomera à 19 heures. Cela paraissait jouable, avec la récupération du
vélo entre-temps, mais il ne fallait pas que l’avion soit en retard. Et je regardais l’heure avec angoisse, alors qu’il était 16 heures passé et que l’avion était encore au dessus de la Grande Canarie (dont j’ai d’ailleurs survolé le BIG, le Pico de los Pozos de las Nieves). Mais en atterrissant, j’ai vu que les Canaries avaient une heure de décalage avec Nice, puisqu’elles sont très à l’ouest, et que l’avion était en fait en avance. Je n’ai donc heureusement eu aucun problème d’horaire.

En allant chez le loueur, je m’étais dit qu’il était peut-être préférable de ne pas trop insister sur le fait que je comptais me rendre dans d’autres îles, et j’ai bien fait car quand j’ai lu le contrat en rapportant le vélo à la fin, la sortie de l’île y était bien stipulée comme interdite. Lorsqu’on me demanda mon hôtel, je montrai ma sacoche en disant que j’avais l’habitude de partir en itinérance et de me préoccuper de l’hôtel au fur et à mesure (alors que j’avais réservé un hôtel, mais à la Gomera). Quoi qu’il en soit, je récupère mon vélo, descends vers le port, et me retrouve le soir à San Sebastián de la Gomera, à pied d’œuvre pour commencer dès le lendemain matin ma collecte de BIG.

Encore soumis au décalage horaire, je me réveille très tôt et il fait encore nuit noire lorsque je me mets en route. Et quand le soleil apparaît, je m’aperçois que la brume est encore plus dense qu’à Tenerife la veille. Un panneau dans la montée m’explique même que c’est elle qui apporte aux îles l’eau dont elles ont besoin, beaucoup plus que les pluies qui sont présentées comme très rares. A tout prendre, je me dis que ce n’est pas plus mal comme ça.

Je m’étais posé de nombreuses fois la question, en préparant le parcours, de savoir si je descendrai ou non à Playa de Santiago pour parfaire ma visite de l’île, et je n’étais pas encore tout à fait fixé lorsque j’arrivai au carrefour fatidique. Mais ma préoccupation vis-à-vis du bateau du soir, et surtout mon envie de concrétiser au plus tôt ma quête de BIG, firent que je pris directement la route de l’Alto de Garajonay. L’heure à laquelle je finis mon tour l’après-midi me montra que j’aurais eu largement le temps, mais peu importe, ce sera pour la prochaine fois.

Après un passage dans la forêt, j’atteins le pied de la montée finale. Il y a un kilomètre et demi de piste dallée pour arriver à l’Alto de Garajonay. C’est sans problème avec un vélo de route, même si ça secoue un peu à la descente. J’arrive en haut, prends quelques photos souvenir et me dis avec satisfaction que je ne serai pas bredouille quoi qu’il arrive. Puis je reprends la route vers Vallehermoso, car l’île de la Gomera n’étant pas très grande, j’avais tracé un parcours qui me permettait d’en avoir un large aperçu avant de repartir.

J’avais consulté le guide touristique de l’île, et je m’étais dit qu’il était dommage de passer sans aller jeter un coup d’œil vers Valle Gran Rey. Sans vouloir descendre tout en bas, j’avais repéré un virage à mi-pente qui permettait, d’après les cartes et photos que j’avais pu voir, de jouir d’un beau point de vue sur le bas de la vallée. Mais la brume qui recouvrait l’île me faisait me demander si le détour en valait la peine. Après un ou deux kilomètres, je me dis finalement que je vais m’infliger un aller-retour peu intéressant pour un panorama décevant, et fais donc demi-tour.


A partir de là j’étais encore plus en avance pour le retour au bateau et j’ai donc pu profiter sereinement de la route nord de l’île, qui passe par Vallehermoso et Agulo, et que j’ai trouvée très jolie. A Hermigua, j’avais repéré une petite route passant par Las Nuevitas et Las Poyatas, permettant d’abandonner cinq kilomètres la route principale, et dont je me suis félicité. La dernière descente vers San Sebastián présente une succession de tunnels, mais souvent l’ancienne route est encore présente sur la gauche. Je ne l’ai pas prise pour le premier tunnel, car l’accès en est assez difficile maintenant. Au deuxième tunnel, un mur en béton m’a contraint à tout remonter au bout d’un kilomètre de descente. Heureusement au troisième tunnel, seule une petite barrière en bois a entravé mon passage.

J’avais profité l’année dernière d’un arrêt forcé dû à une fracture de la clavicule pour me plonger dans les listes du club des 100 cols (j’en parle puisqu’il paraît que le BIG et les cent cols sont amis maintenant, mais bon je ne savais pas qu’ils étaient fâchés avant J). Et j’avais donc inclus le col de Laguerode comme possible dernière montée si les horaires de bateau m’en laissaient le temps. Après une minuscule portion en terre au tout début, une jolie route asphaltée monte pendant deux kilomètres dans de très beaux paysages. Je n’ai pas regretté ce dernier détour.

Connaissant les Canaries comme une destination touristique très fréquentée, j’avais fait l’hypothèse que les possibilités d’hébergement me permettraient toujours de trouver un gîte pour le soir. Mais ça n’a pas toujours été très facile. En particulier, lorsqu’arrivé à la Gomera en fin d’après-midi j’ai cherché un hôtel pour le soir à Santa Cruz de la Palma, j’ai été désagréablement surpris. Il m’a fallu tenter plusieurs sites internet pour trouver une dernière chambre libre. De plus, le bateau arrivant à 22 heures, j’ai dû parlementer un peu au téléphone pour que l’hôtelier, qui n’avait pas l’air de sauter de joie, m’attende jusqu’à cette heure-là. Pourtant, avec un seul bateau quotidien, le cas devrait être relativement courant ?

L’unique bateau de retour décollant à 5h15, j’ai pu passer deux nuits dans le même hôtel, ce qui m’a laissé la journée entière pour parcourir La Palma. Et il la faut bien, car si le tour de l’île avec la visite des deux BIG que j’avais tracé ne faisait que 150 km, j’ai fini mon périple avec le dénivelé respectable de 4700 mètres. Cette journée à La Palma a été de loin la plus exigeante.

L’hôtel que j’avais réussi à trouver étant heureusement situé dans le premier lacet d’une route vers les hauteurs, je me retrouve le matin directement sur l’itinéraire du BIG. Mais entre Santa Cruz et le pied de la Cumbrecita se dresse la crête imposante de la Cumbre Nueva. L’itinéraire proposé par le site du BIG est le plus direct, mais il emprunte une route importante et passe par un long tunnel. Peu attiré par l’un et l’autre, je choisis de continuer un peu et de prendre une petite route plus longue mais moins fréquentée, par le village de San Isidro et un col à 1450 m (col de las Breñas pour les 100 cols).La montée vers ce col est très dure, avec de longs passages autour des 10%. A coup sûr il ne déparerait pas dans la liste des 1000 BIG, du moins par ce versant.

Le début de la descente se fait dans le paysage volcanique du Llano del Jable. Je retrouve pour quelques kilomètres la circulation en rejoignant la route du tunnel, et suis soulagé lorsque je peux tourner à droite vers le « Parque Nacional ». La montée de la Cumbrecita, au milieu de la forêt, est agréable et aisée, après ma dure montée initiale. Les six kilomètres sont rapidement avalés et me permettent de décrocher mon deuxième BIG.

En descendant de la Cumbrecita, au lieu de rejoindre la nationale, je tourne tout de suite à droite et traverse El Paso et Los Llanos par de petites rues. Je retrouve ensuite la route car elle est le seul passage pour traverser l’immense entaille du Barranco de las Angustias, qui est l’exutoire de la caldera de Taburiente, une très grande cuvette volcanique sur les bords de laquelle se trouvent les deux BIG de La Palma.

Le pont au plus bas du vallon n’est même pas à 100 mètres d’altitude et il me faut maintenant remonter jusqu’aux 2426 mètres du Roque de los Muchachos. La première étape est la remontée du rempart nord du barranco, qui mène jusqu’aux 594 mètres du Mirador del Time. Après ça, la route continue de monter graduellement pendant plusieurs kilomètres en surplomb de l’océan. Après Tinizara, je tourne à droite vers La Traviesa, ce qui me permet de me retrouver tout seul pendant 12 km sur une petite route forestière, un très bon choix à mon sens. Je retrouve la nationale pour une bonne portion en descente puis quelques kilomètres après j’arrive à l’embranchement de la route vers le sommet.
                                             
A partir de là les virages redeviennent raides, et je commence à sentir les kilomètres, et surtout les mètres gravis, depuis le matin. La progression est lente mais continue et j’arrive enfin à la dernière portion de la montée, une route en cul-de-sac qui traverse l’observatoire en direction du point culminant de La Palma. Je me distrais en regardant les nombreux instruments au milieu desquels la route serpente, dans ce dernier tronçon qui me semble interminable. Enfin j’arrive au parking du sommet, accueilli par deux corbeaux qui semblent des habitués des lieux.

Je m’étais imaginé qu’une fois en haut, il me suffirait de tourner mon guidon dans le sens de la descente pour me retrouver à La Palma en un rien de temps. Mais à la sortie de l’observatoire, la route remonte au contraire pendant un bon moment, une réjouissance que je n’avais pas prévue à mon programme et qui me contrarie quelque peu sur le moment. J’arrive enfin à la vraie descente, mais je ne suis toujours pas content. En effet, je me retrouve en fin d’après-midi du côté de l’île qui n’est plus ensoleillé et il me faut descendre très bas pour retrouver des températures qui ne soient pas trop désagréables. Je me trompe un peu en arrivant vers Santa Cruz et m’inflige une dernière petite montée superflue, mais retrouve enfin mon hôtel, heureux de ma journée. J’ai grimpé trois BIG en deux jours, il me reste maintenant quatre jours et demi pour traverser Tenerife et la Grande Canarie, je suis à peu près certain maintenant de remplir le programme initial.

Il ne fallait pas malgré tout que je rate le bateau de 5h15, mais avec deux réveils enclenchés je n’ai pas eu de problème. L’avantage d’un départ si matinal est que je me retrouve à Los Cristianos dès huit heures et demie pour attaquer la montée vers le Teide. La route s’extirpe peu à peu de la circulation côtière et offre bientôt quelques vues vers la mer. Lorsque je tourne en direction de Vilaflor la circulation s’atténue et la forêt fait son apparition. Au fur et à mesure de la montée celle-ci disparaît, le paysage se fait de plus en plus minéral et l’île de La Palma commence à apparaître. A partir de Boca Tauce, on pénètre dans une très vaste plaine volcanique, aux paysages et aux couleurs excessivement variés. La route ondule au pied du Teide et le BIG arrive au hasard d’une de ces ondulations.

Les cyclistes ne manquent pas au Teide, contrairement à La Palma et La Gomera, où j’étais à peu près le seul, et les professionnels en stage de préparation sont nombreux. Pendant que je reprenais des forces au BIG, je vois passer deux membres de l’équipe Sunweb. Un peu plus tard dans une descente, je croise quatre Astana, dont Alexey Lutsenko qui devait gagner le tour d’Oman quelques jours plus tard. J’aime à penser que c’est un peu grâce à moi.

Le trajet continue, toujours dans un paysage volcanique, jusqu’à l’observatoire qui marque la sortie de cet univers tellurique. La descente traverse une très jolie forêt de pins où ma nouvelle passion pour les 100 cols me fournit des jalons bienvenus. En continuant la descente je retrouve la civilisation et des paysages plus urbanisés. J’avais envisagé au départ de faire les deux BIG de l’île dans la journée, mais des petits pépins avec mon paquetage ainsi que des caprices de mon appareil photo me retardent régulièrement, c’est donc en début de soirée que j’arrive à San Cristobal de la Laguna, une grande ville où je n’ai pas de mal à trouver un hôtel.

Le lendemain matin, je pars vers le Pico del Inglés et la visite du massif d’Anaga. La montée est progressive à travers la vallée au nord de la ville. Après le village de Las Mercedes la pente est un peu plus soutenue sans être jamais très dure, et je me demande quand les difficultés vont arriver. Le Pico del Inglés est un cul-de-sac au bout d’une petite route d’un kilomètre de long, et je m’attends à un kilomètre difficile. Mais c’est tout le contraire, et c’est au bout d’un tronçon plutôt descendant que j’atteins mon cinquième BIG. Je comprends alors qu’il est là plus pour la qualité de ses paysages que pour la difficulté sportive, et ce petit intermède est bien agréable, après ce que j’ai vécu au Teide et au Roque de los Muchachos, et avant ce qui m’attend à la Grande Canarie.

Je me repais quelques instants de la vue, qui donne aussi bien sur le Teide derrière moi que sur les vallons qui descendent vers la mer de chaque côté. Après le BIG, le parcours continue par une petite route tranquille sur la crête de la péninsule. Les vues magnifiques vers la mer se présentent de chaque côté, pendant que je roule au cœur d’une forêt beaucoup plus variée et plus dense que dans les autres parties de l’île que j’ai pu visiter jusqu’à présent. Arrive finalement la descente vers Santa Cruz de Tenerife. Je traverse à son pied les maisons colorées de San Andrés, agglutinées sur leur colline, et avale rapidement les quelques kilomètres sur la grande route du littoral qui me séparent du port, d’où je pars vers ma dernière île, la Grande Canarie.


A la sortie du port d’Agaete, j’évite la grande route de Las Palmas en prenant la direction de Piso Firme. A Gáldar je m’arrête quelques instants au supermarché acheter de quoi tenir jusqu’au soir et j’attaque la montée vers l’intérieur de l’île. Je traverse le village de Buenavista en me disant qu’il a quelque raison de s’appeler ainsi. Plus loin, à la sortie de Fagajesto, une descente très raide, que je retrouverai le lendemain au moment où je m’y attendrai le moins, me fait perdre un peu d’altitude, et un peu avant Juncalillo, je prends à gauche un raccourci que j’avais repéré sur la carte et qui fait gagner quelques kilomètres en évitant le village.

Une petite route à droite m’amène en surplomb d’un vaste ravin. La grosse boule du radar qui marque mon but apparaît au loin sur l’autre versant, mais la profondeur de la vallée devant moi m’effraie un peu. Heureusement, la route tourne pour suivre le flanc de la montagne, et la descente vers le col, la Cruz de Tejeda, qui marque le fond du vallon n’est pas trop importante. Au col, une petite route monte en face, marquée d’un panneau « Pozo de las Nieves », ce qui est bon signe. Si le cycliste a en général à se féliciter de l’état des routes aux Canaries, cet agréable état de choses ne s’étend pas jusqu’aux plus hauts sommets de la Grande Canarie. Au contraire, le bitume est particulièrement granuleux et dégradé, jusqu’à mon arrivée au sommet. Mais ce n’est qu’un détail insignifiant alors que je suis envahi par la satisfaction d’avoir atteint mon dernier BIG et complété ainsi l’ensemble des îles Canaries.

Le bateau ne m’avait lâché que vers 13h30. La longueur de la montée combinée à mes nombreux arrêts photos fait que j’arrive au sommet alors que le soleil est déjà très bas sur l’horizon. Je me dis que je ne suis pas à quelques minutes près et me paye un coucher de soleil sur le Teide depuis le Pozo de las Nieves. Quand le soleil s’est couché, il est temps pour moi de redescendre de la montagne pour faire de même. Une défaillance de ma lampe me contraint à un arrêt non prévu pour récupérer celle de rechange au fin fond de mon paquetage, et il fait nuit noire durant ma descente vers Ingenio, par une route qui m’a l’air bien raide. Les hôtels semblant rares dans cette ville, je continue vers Agüimes où j’ai la chance de trouver à la Casa Rural La Piedra Viva une chambre à l’intérieur d’une petite cour très agréable. Un petit saut dans une supérette encore ouverte me fournit le repas du soir et quelques victuailles pour le lendemain. La vie est belle !

Mon programme de grimpée des BIG s’étant parfaitement déroulé, je dispose d’une journée entière pour compléter ma visite de la Grande Canarie. Comme la veille, je la traverse en biais, par un itinéraire légèrement plus au sud. Je commence par une bonne montée jusqu’à l’observatoire de Temisas, puis traverse un plateau pour redescendre vers Santa Lucia et un petit déjeuner bienvenu. La montée reprend vers le col de Cruz Grande. Arrivé à Ayacata, je réalise que le Roque Nubio est tout proche, et décide de monter le voir, car depuis la veille il semblait omniprésent dans mon paysage. Sans prendre le sentier qui arrive à son pied, je m’en approche suffisamment pour me dire qu’il est plus impressionnant vu de loin, alors qu’il semble flotter au-dessus des montagnes.

Je fais demi-tour, retraverse Ayacata et peu après tourne à droite en direction d’El Carrizal. Après avoir franchi un petit col, je me lance dans une longue descente qui traverse les villages d’El Toscon et d’El Carrizal. Quand j’arrive à la Mesa del Junquillo, la route plonge vers le barrage en contrebas, avec des pentes qui me font dire que j’ai bien fait de la prendre dans le sens de la descente. Pendant que j’avance prudemment, les mains serrées sur mes freins, je croise deux coureurs de l’équipe Education First qui, tout professionnels qu’ils sont, ont l’air de bien s’employer dans la montée. Mais c’est bientôt mon tour, une fois que j’ai dépassé le lac, une longue montée m’attend jusqu’au col de la Cruz de Acusa.

Je pars ensuite me balader sur la route forestière de Tamadaba, retourne vers Artenara et me dis qu’il est temps de rejoindre Agaete si je veux attraper le bateau de 18 heures. Je réalise alors que je ne suis pas si près que cela, que d’un côté ou de l’autre j’aurai quelques montées à franchir et que je ne suis pas aussi large que je le pensais jusqu’à présent. Après avoir regardé les différents chemins possibles, je décide de passer par Las Hoyas, ce qui me permet de côtoyer des lacs charmants, mais après lesquels la route remonte pendant un certain temps. Je retrouve la route principale juste avant Fagajesto et sa montée assassine que j’avais descendue la veille. Mais arrivé en haut de cette montée courte bien que rude, le plus dur est fait. Je n’ai plus qu’à me lancer à corps perdu dans une descente à peine entrecoupée par deux petites remontées que j’essaye d’avaler le plus vite possible.

Plus j’approche du port, plus je me dis que je vais réussir à attraper le bateau. J’arrive sur les quais un petit quart d’heure avant le départ, mais le temps de prendre mon billet et de monter à bord, les portes se ferment au moment où je suis en train d’amarrer mon vélo. Enfin, ce petit sprint me permet de débarquer à Santa Cruz à une heure raisonnable et je n’ai aucune peine à trouver un hôtel dans la capitale de Tenerife.
Le lendemain je n’ai à mon programme que les 100 km qui me séparent de Los Cristianos. Je prends donc le temps de savourer le petit déjeuner de l’hôtel avant de prendre la direction du sud. La route entre Santa Cruz et Los Cristianos est très tranquille et agréable. Elle serpente et ondule le long du versant sud de l’île en offrant de beaux paysages et en traversant de jolis villages. J’en profite largement en sachant que la fin de mon séjour est proche. Je me fais aborder par un cycliste du coin qui me voyant avec mes sacoches me parle aussi de ses voyages (il est allé en Norvège l’été précédent). Nous passons un moment agréable à discuter dans notre anglais respectif du voyage à vélo et tous ses à-côtés.

Los Cristianos finit par arriver. Je rejoins mon dernier hôtel, un peu malheureux que le voyage soit terminé. Le lendemain je consacre la matinée à quelques achats et à la visite de Playa de las Americas, la station balnéaire chic qui touche Los Cristianos. Je vais me promener le long de la plage, regarde évoluer les surfeurs qui sont nombreux, descends jusqu’au bord de la mer tester la température de l’eau… Mais l’heure approche où je dois reprendre l’avion. Je vais donc rendre mon vélo et reprends en taxi le chemin de l’aéroport. Là encore, comme à l’aller, tout mon barda cycliste passe les contrôles sans problème (j’appréhendais un peu le passage avec des multi-outils et autres dérive-chaînes mais tout s’est bien passé) et je me retrouve bientôt dans l’avion de Nice.

J’ai été enthousiasmé par les Canaries. J’ai trouvé la température encore plus douce que je l’imaginais. J’ai été ravi de pouvoir rouler début février en manche courte en attrapant des coups de soleil. Les paysages, bien que différents, sont aussi beaux que dans les Alpes-Maritimes et les parcours largement aussi ardus. Je retournerai très certainement dans ces îles qui sont relativement proches en avion, et où il me reste encore beaucoup d’endroits à visiter, même si les BIG sont terminés. L’appel de Madère et des Açores, qui sont pour moi encore terre inconnue, risque de reporter ce retour d’un an ou deux. Mais j’ai vraiment apprécié très fort mon séjour aux Canaries

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