L’Italia del Grand Tour permet sur quatre
ans de visiter toutes les régions d’Italie à vélo : le centre-nord avec la
1001 Miglia, le sud avec la 999 Miglia de Rome et les Alpes avec l’Alpi 4000 de
Bormio. La dernière épreuve, la 6+6 Isole, propose deux randonnées de 600 km en
Sardaigne et en Sicile, séparées par une nuit de bateau entre Cagliari et
Palerme. J’étais impatient de terminer ce challenge, démarré en 2016, afin de
conquérir le titre ô combien prestigieux de Grand Randonneur d’Italia.
J’avais
en 2014 traversé la Sardaigne du nord au sud, en grimpant bien sûr les BIG au
passage, à l’exception de la punta Serpeddi, qu’après une tentative avortée
j’avais jugée trop chaotique pour un vélo de route. L’occasion était belle de
combler cette lacune et j’avais donc pris soin avant mon départ de réserver un
VTT de location.
J’établis
rapidement le programme de mon mini-séjour en Sardaigne : départ en train de
Nice vers Toulon le dimanche pour un embarquement le soir, liaison en vélo de
Porto Torres à Sassari le lundi matin, train jusqu’à Cagliari l’après-midi pour
une arrivée à Quartu Sant’Elena en début de soirée, après quelques kilomètres
de vélo depuis la gare. Le lendemain mardi, ascension de la punta Serpeddi,
avant une journée du mercredi consacrée aux formalités d’inscription et au
repos avant le départ du soir.
Au
moment du départ, une petite anicroche commença à bousculer mes plans.Tous les
trains étaient supprimés pour travaux ce week-end là, entre Cannes et les Arcs.
Les informations contradictoires que j’avais pu avoir à la gare n’ayant pas
levé mes doutes quant à un arrêt total sur le tronçon Nice-Marseille, je partis
le lendemain matin, dès que je fus prêt, pour me laisser le temps d’effectuer
le trajet entier à vélo le cas échéant. Mais les trains allaient bien jusqu’à
Cannes, et après avoir pédalé jusqu’aux Arcs, je pus prendre un train pour
Toulon. Malgré son retard important, j’arrivai bien en avance, avec tout
l’après-midi devant moi.
Alors
que je me promenais vers le Mourillon pour tuer le temps, je rencontrai un
quatuor de randonneurs franciliens, Guy, Mickaël, Geneviève et Vivian, qui
prenaient le même bateau que moi et avec qui j’allais passer une bonne partie
des jours suivants. Le reste du programme se déroula à peu près comme
prévu : après nous être rendus ensemble à Sassari et pris le train, nous
nous séparâmes à Cagliari, car j’avais privilégié pour mon séjour la proximité
du loueur de VTT à celle du centre névralgique de la randonnée.
Le
lendemain, j’échange donc mon vélo de route contre un vélo tout-terrain et pars
vers la Punta Serpeddi. Le début se passe sur les routes assez plates de Quartu
Sant’Elena, et ce n’est qu’au cimetière à l’entrée de Sinnai que la pente
commence à se faire sensible. Plusieurs options sont possibles à la sortie de Sinnai. Un parcours part vers
le nord et rejoint la piste de Dolianova, celui que j’ai pris est plutôt
nord-est et rejoint celle de Burcei, les deux parcours se retrouvant juste
avant la dernière rampe qui mène au sommet.
Le
ciel était très menaçant depuis mon départ, avec par moments une petite pluie
fine. Au sommet un bon vent est aussi de la partie. Je prends donc juste le
temps nécessaire à la photo souvenir (mouillée) et à me rhabiller, puis redescends
vite par le chemin pris à l’aller. Après une pause repas à Sinnai pour me
réchauffer, je retourne à Quartu Sant’Elena attendre l’ouverture du loueur et
récupérer mon vélo. Ça y est, j’ai grimpé tous les BIG de la Sardaigne !
Le
lendemain, après avoir quitté mon appartement où tout le monde dormait (je
n’aurais vu mes logeurs que quelques minutes lors de mon arrivée), je prends le
chemin de l’hôtel Setar, lieu de départ de la randonnée, où Guy et Vivian se
trouvaient aussi. Après les formalités, je retourne avec eux vers la villa
qu’ils ont louée attendre l’heure du repas du soir et du grand départ qui sera
donné en nocturne.
Enfin
le moment tant attendu finit par arriver et vers 23h30 je m’élance dans la
deuxième vague de randonneurs. Je me pose toujours la question dans ces
épreuves de savoir quelle allure adopter. J’ai peur en allant trop vite de
flancher par la suite, et en allant trop lentement de perdre du temps que je
n’arriverai pas à rattraper. Toujours est-il que ce soir-là je suis plutôt pour
l’option rapide et je rattrape dans le premier col pas mal de participants du
premier groupe. Le col franchi, je pars dans la descente qui, avec sa pente assez
douce et le fait qu’on soit de nuit, me paraît encore plus longue que la
montée. Sur la portion de plat suivante, je roule à nouveau à allure rapide au
sein d’un groupe, mais une crevaison de ma roue arrière met malencontreusement fin
à mes velléités de performance. Après avoir réparé je repars à un rythme plus
raisonnable en direction du premier contrôle, Torre di Bari, qui se trouve au bord de
la mer quelques kilomètres à l’écart de la route principale. Le buffet est
copieux, je me régale d’un fromage blanc au miel délicieux, que je serai
heureux de retrouver de temps en temps sur le parcours.
Après
le col et la descente jusqu’à Dorgali, je repars en direction de Nuoro. La
remontée vers Orgosolo est rude, sur un versant exposé au soleil. Pour ne pas
être tentés de prendre un raccourci, nous étions dans l’obligation de présenter
à l’issue du parcours une photo prise à Orgosolo. Les murs du village sont
couverts de fresques et je suis tout content d’en trouver une représentant un
compatriote, en la personne de Joseph Garibaldi.
Dorgali
est à nouveau l’arrivée de cette étape. La ville se trouve légèrement en
altitude et la montée qui y mène s’avère un moment difficile. La nuit tombe, le
sommeil commence à m’envahir, ma progression devient très laborieuse. Le passage
sur quelques replats et le fait de rattraper quelques randonneurs qui me montre
que certains sont encore plus usés que moi me redonne un peu d’énergie et
j’arrive enfin à Dorgali où je profite sans me faire prier des couchages mis à
notre disposition.
Il
fait encore nuit lorsque j’attaque le versant nord du Genna Silana. Un peu
reposé, je monte sans trop de problème, je suis juste un peu gêné tout en haut
par un fort vent, dont je n’arrive pas à comprendre s’il est contre moi ou pour
moi, il semble changer de sens à chaque instant. Je m’endors un peu dans la
descente, mais continue jusqu’à Baunei. Dans le village, la vingtaine de vélos
posés contre un mur me fait dire qu’il doit y avoir un café ouvert. Le patron
s’affaire, un peu surpris par cet afflux matinal. Le café et les croissants me
font du bien et m’amènent jusqu’à Bari Sardo, puisque les deux dernières étapes
reprennent le parcours des deux premières en sens inverse.
J’y
retrouve Guy, mais nous nous perdons immédiatement, la fatigue sans doute. Nous
nous retrouvons cependant un peu plus loin, avec également Vivian, pour la
montée du dernier col, l’Arcu e Tidu et la descente vers l’arrivée. Dans les
derniers kilomètres de plat, la lassitude me fait ralentir un peu et laisser
partir mes compagnons. J’arrive donc quelques minutes après eux, en ayant
utilisé 39 des 40 heures allouées pour boucler le parcours. J’ai trouvé ce
brevet particulièrement dur. Le fait que nous soyons partis le soir, et avons
donc passé deux nuits sur le vélo, y est certainement pour quelque chose. Après
une bonne douche, je parcours en groupe les quelques kilomètres jusqu’au port
de Cagliari afin d’embarquer pour la Sicile. Vu l’état de fatigue dans lequel
m’a laissé la Sardaigne, je ne suis pas très optimiste pour la réussite de mon
brevet sicilien.
Il
est agréable de profiter d’une soirée relaxante dans le bateau. Après un bon
repas, je retourne dans ma cabine où j’ai la chance de passer une bonne nuit. Je
me réveille juste à l’heure pour prendre un petit déjeuner sans précipitation.
Lorsque le bateau accoste à Palerme, nous descendons sur nos vélos vers le lieu
de départ, un hôtel du front de mer à proximité. Là, une table est placée au
bord de la route, nous faisons tamponner en vitesse nos carnets de route, balançons
nos affaires sur le tas à côté, et enchaînons immédiatement sur le 600 km de
Sicile.
Je
constate avec satisfaction que la nuit m’a fait du bien, et que je pédale bien
plus facilement que la veille. Je fais toujours le cinquième mousquetaire dans
le quatuor de mes amis parisiens emmené par Geneviève. Celle-ci va bon train et
Guy et Vivian décident de prendre leur rythme. Personnellement je préfère
profiter de mes bonnes dispositions actuelles pour faire le plus de chemin
possible tant qu’elles durent, je reste donc avec elle et quelques autres
randonneurs.
Geneviève
a une âme de chef de troupe. Dans la montée de Termini Imerese, elle décide de
faire passer le groupe par un chemin qui lui paraît meilleur que celui proposé.
Je suis tout le monde dans un premier temps mais la traversée de la ville étant
plus compliquée que prévu mon caractère indépendant se réveille et je décide de
prendre mon destin en main. Mal m’en prend dans un premier temps, car je rate
une intersection, et me retrouve séparé de la bonne route par une voie ferrée. Heureusement
un passage souterrain au milieu des détritus me permet de retrouver le parcours.
La
sortie de Termini Imerese marque l’entrée dans les terres. Là commence en effet
l’Apennin sicilien qui va jusqu’à Messine. Pas moins de quatre BIG traversent
cette chaîne montagneuse : Piano Battaglia Carbonara, Portella Femmina
Morta, Portella dello Zoppo et Sella Mandrazzi. Malheureusement (ou plutôt
heureusement) nous ne faisons que longer ces montagnes par leur versant sud, où
ça grimpe déjà suffisamment.

La
route ondule autour des mille mètres d’altitude et la nuit commence à tomber.
Avec le vent en plus, il ne fait pas chaud du tout et la beauté des paysages au
soleil couchant en est un peu altérée. Le contrôle de Cesarò permet de nous réchauffer
et de déguster des arancini bien chaudes. J’y retrouve Mickaël et Geneviève,
puis Guy et Vivian arrivent. Je manque d’empressement pour attaquer la descente
dans le froid et la nuit et laisse donc tout ce petit monde partir devant.
Après une étape courte et descendante, j’arrive à Linguaglossa où nous sommes
reçus dans un grand bâtiment, une sorte d’ancien monastère, comportant même une
église dans sa partie centrale. Je dors un peu là et repars pour la deuxième
partie du parcours, le retour vers Palerme qui suit intégralement le bord de
mer.
Le
jour se lève lorsque je traverse Nizza(!) di Sicilia. Peu après, je prends mon petit
déjeuner au contrôle de Messine. Je roule ensuite seul, ou en groupe, au hasard
des rencontres. Je tombe finalement sur Esteban, un habitué de ces randonnées,
qui va m’accompagner, et même me soutenir sur la fin, jusqu’à l’arrivée, merci.
Nous sommes rattrapés de temps en temps par de rapides groupes d’Italiens,
auxquels nous emboîtons les roues histoire d’arriver plus rapidement au
contrôle suivant.
Lorsque
la nuit arrive, je m’aperçois que ma deuxième lampe a rendu l’âme (j’avais déjà
dû récupérer celle de rechange en Sardaigne). Nous ne sommes plus très loin et Esteban
se met derrière moi pour m’éclairer et m’accompagne ainsi jusqu’à l’arrivée. La
circulation devient vraiment dense en approchant de Palerme, j’entends Elena qui
roule devant moi dire à sa copine Laura « queste strade sono roulette
russa », ce qui ne les empêche pas d’avancer à toute allure. Dans la
dernière montée, à Bagheria, je jette l’éponge et laisse partir le groupe.
Esteban continue de me prendre sous son aile (et dans la lumière de son phare)
et nous atteignons finalement l’arrivée vers 21h. Ca y est, je suis Grand
Randonneur d’Italia ! Ce deuxième brevet s’est finalement bien mieux passé
que le précédent. Il faut dire qu’il était légèrement plus court et présentait
un peu moins de montées. Et comme je l’ai dit, ne passer qu’une nuit sur la
route au lieu de deux change beaucoup de choses.
Le
San Paolo Palace est complet malgré sa taille imposante et je me retrouve
devant la perspective pas très réjouissante de devoir chercher à cette heure
tardive une chambre ailleurs en ville. Qu’à cela ne tienne, je rencontre Guy
qui a réservé avec Vivian une chambre équipée de trois lits. On peut appeler ça de
la chance.
Je
profite de mon après-midi libre pour visiter la ville. Le soir je retrouve tous
mes amis parisiens et repars avec eux au port d’où le bateau pour Gênes est
prévu à 23 heures. Le départ ne se fait pas sans un petit peu de stress.
D’abord lorsque nous sortons du restaurant, nous voyons que la grille du port
juste en face a fermé. Heureusement une autre est ouverte un peu plus loin.
Ensuite, Vivian met presque un quart d’heure pour retrouver ses papiers.
Finalement tout s’arrange et l’embarquement se termine sereinement. Là encore,
je squatte une couchette dans la cabine de mes amis parisiens, j’ai vraiment
bien fait de les rencontrer à Toulon. La traversée se poursuit toute la journée
du lendemain, nous longeons la Corse et passons tout près des îles de
l’archipel toscan : Giglio, île d’Elbe, Pianosa, …
J’ai
peu de temps lorsque nous débarquons à Gênes pour rejoindre la gare avant le
passage du train pour Vintimille. C’est le moment que choisit mon GPS pour se
mettre à dérailler. Je vais d’un côté, de l’autre, et les Parisiens sont tout
surpris de me revoir passer devant eux alors que je venais de les quitter dans
la précipitation. Finalement je trouve la gare et arrive sur le quai en même
temps que le train, il était temps. A Vintimille, pour cause de travaux, le
départ du train pour Nice est décalé à Menton. Je dois donc remonter sur mon
vélo pour quelques kilomètres avant de prendre mon dernier train et retrouver
la maison.
Plus de photos : http:/cathie.charbonnier.free.fr/piwigo/index.php?/category/154
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