A passer tous mes étés dans mon village de Poggio-di-Nazza, j’avais fini
par escalader tous les BIG de la Corse. Si Bavella et Verde faisaient partie de
mes balades habituelles bien avant que je ne connaisse le challenge BIG, et que
la Restonica ne m’avait demandé que 150 km aller/retour pour aller la grimper,
j’avais dû m’employer davantage pour les suivants. J’avais d’abord inscrit Piana
et le col de Vergio à mon palmarès à l’issue d’une belle ballade de 310 km. J’étais
allé chercher l’année suivante le col de Prato, puis le Haut-Asco, au
prix de deux sorties de plus de 200
km chacune. Finalement, profitant une année de débarquer
à Île-Rousse, j’avais laissé le volant à ma femme et fait le trajet vers le
village à vélo, en passant bien sûr par la Bocca della Battaglia. Et enfin, quelques
jours plus tard, devant récupérer mes parents à l’aéroport de Bastia, j’étais
parti bien en avance pour avoir le temps de faire le tour du Cap Corse et
terminer ainsi la série des dix BIG corses.
Ce qui fait que je m’étais trouvé fort désemparé au début des vacances 2014, de me retrouver dans une île sans nouveau BIG à conquérir. Mes regards se sont alors portés vers la Sardaigne, qui se trouve être la porte à côté quand on est en Corse. Coup de chance, une carte de la Sardaigne traînait dans la maison, oubliée par Dieu sait qui. Le site du challenge BIG et Openrunner allaient faire le reste. Ainsi, le dimanche 3 août, je quittais Poggio-di-Nazza direction Bonifacio afin de prendre le bateau de midi.
Ce qui fait que je m’étais trouvé fort désemparé au début des vacances 2014, de me retrouver dans une île sans nouveau BIG à conquérir. Mes regards se sont alors portés vers la Sardaigne, qui se trouve être la porte à côté quand on est en Corse. Coup de chance, une carte de la Sardaigne traînait dans la maison, oubliée par Dieu sait qui. Le site du challenge BIG et Openrunner allaient faire le reste. Ainsi, le dimanche 3 août, je quittais Poggio-di-Nazza direction Bonifacio afin de prendre le bateau de midi.
Quoi
qu’il en soit j’arrive finalement à Bonifacio, un peu en avance, ce qui me
permet de faire un petit tour en ville. A la force des mollets parce que la
montée vers la vieille ville est un sérieux morceau. Et donc, après un petit
peu de tourisme, je descends au port et embarque pour la Sardaigne.
Dès l’arrivée, je saute hors du bateau et commence à attaquer la route
du bord de mer, très jolie
d’ailleurs, qui permet pendant quelques kilomètres encore des vues sur la Corse au loin. Ne connaissant pas la Sardaigne et étant un peu anxieux de me retrouver sur des routes trop fréquentées, j’avais repéré sur la carte, à partir de Rena Majore, une petite route qui s’enfonçait vers l’intérieur et paraissait tranquille. Le fait est que cette route était si petite que j’ai eu du mal à la trouver au milieu des divers lotissements de l’endroit, et qu’elle était tranquille au point que je ne pense pas y avoir croisé plus d’une voiture. Mais elle était aussi très tortueuse et accidentée, alternant les montées raides et les descentes tout aussi raides. Et même si le relief alentour n’était pas très escarpé, je pense m’être imposé un bon dénivelé supplémentaire, sans compter la rugosité du revêtement et la chaleur du début de l’après midi. Ayant finalement rejoint un axe plus important, et plus roulant, à Aglientu, et constaté que le trafic automobile y était très supportable, je me suis dit après coup que j’aurais sans doute moins souffert en continuant le long de la côte jusqu’à Vignola Mare.
d’ailleurs, qui permet pendant quelques kilomètres encore des vues sur la Corse au loin. Ne connaissant pas la Sardaigne et étant un peu anxieux de me retrouver sur des routes trop fréquentées, j’avais repéré sur la carte, à partir de Rena Majore, une petite route qui s’enfonçait vers l’intérieur et paraissait tranquille. Le fait est que cette route était si petite que j’ai eu du mal à la trouver au milieu des divers lotissements de l’endroit, et qu’elle était tranquille au point que je ne pense pas y avoir croisé plus d’une voiture. Mais elle était aussi très tortueuse et accidentée, alternant les montées raides et les descentes tout aussi raides. Et même si le relief alentour n’était pas très escarpé, je pense m’être imposé un bon dénivelé supplémentaire, sans compter la rugosité du revêtement et la chaleur du début de l’après midi. Ayant finalement rejoint un axe plus important, et plus roulant, à Aglientu, et constaté que le trafic automobile y était très supportable, je me suis dit après coup que j’aurais sans doute moins souffert en continuant le long de la côte jusqu’à Vignola Mare.
Enfin,
ce qui est fait est fait. Un peu avant Tempio Pausania, je m’arrête un petit
moment pour me restaurer. Quand je repars, l’après-midi commence à
être bien
avancée et la chaleur a décru. Ce qui n’est pas plus mal, car pour arriver à
Tempio la route remonte encore. Quelques kilomètres après la sortie de la
ville, je me rends compte que la végétation a changé. Les buissons
méditerranéens ont été remplacés par de grands conifères qui font voir que
l’altitude commence à s’élever. A l’embranchement du Monte Limbara, un panneau
indique la Madone delle Neve à 10
km . J’espère en moi-même que cette Madone ne se trouve
pas trop loin du sommet (je rassure les
biggeurs, une fois arrivé là, il ne reste tout au plus qu’un kilomètre).
La
fréquentation sur la route ne faiblit pas, aussi bien voitures que piétons, et
je commence à entendre des flonflons. Arrivé à la Madone delle Neve, c’est la
grosse fête. Du monde partout, la musique à fond, pas vraiment l’idée que je me
faisais de l’ambiance en haut d’un BIG au fin fond de la Sardaigne. Mais nous
sommes dimanche et apparemment des réjouissances ont été organisées là-haut ce
jour. Je dépasse tout ça et attaque la fin de la montée en musique. J’atteins
le portail qui représente l’arrivée, prends la photo rituelle et m’apprête à redescendre,
mais j’ai des remords et je franchis finalement le petit portillon qui s’ouvre
dans ce portail. J’arrive ainsi au plus haut du sommet, où ne se trouvent que
quelques bâtiments sans grand intérêt. Quoiqu’il en soit, ce Monte Limbara est
un joli BIG, tant pour la montée qui est bien ardue au début et sur la fin, que
pour les vues dégagées qu’il offre lorsqu’on arrive vers le sommet.
mon esprit. Au moment où je repars, j’aperçois juste en face un panneau indiquant un hôtel, mais quelques mètres dans l’allée me font voir que l’établissement est fermé. Je me lance donc dans la descente en me disant que je verrai bien où j’allais arriver. Il est presque huit heures lorsque je rejoins la route principale, je suis encore à
Le
lendemain à 7h30 précises (j’avais réussi à négocier une avancée d’une
demi-heure sur l’horaire), je prends rapidement mon petit déjeuner et m’apprête
à payer mes hôtes. Monsieur, que je n’avais pas vu la veille au soir, tient la
caisse, Madame est présente aussi. Après quelques paroles enjouées sur mon
périple de la veille et mon programme pour la journée, ils me présentent une
note de 25 €, que je trouve fort honnête. Suit une scène plutôt cocasse. Ils
sont apparemment tenus d’inscrire mon identité sur leur registre, mais
n’arrivent pas à déchiffrer ma carte. Après avoir essayé chacun à leur tour,
avec leurs propres lunettes, celles du conjoint, etc. je viens finalement à
leur secours. J’attrape un papier sur la table et recopie en lettres de 2
centimètres de haut mon nom, prénom, adresse, etc. Leur visage s’éclaire et ils
me remercient tout deux chaleureusement.
Le début de mon
trajet, en quittant Oschiri, n’est pas des plus folichons. Le parcours vers
Ozieri s’effectue sur une route importante, assez plate, entrecoupée de
faux-plats pénibles. Après Ozieri, j’entame la vraie montée vers la Punta Masiennera.
A l’entré de Nughedu San Nicolo, je manque rater la direction de Bultei, qui
n’est indiquée que par un petit panneau sur la gauche, alors que ce qui semble
être la route principale est en fait l’accès au village. Je continue ma montée,
la route est jolie sans plus, mais elle m’amène jusqu’en haut. Là, je me
retrouve à un carrefour, sans aucun panneau indicateur de col. Je me mets à
avoir des doutes, d’autant plus que la route à gauche semble continuer à
s’élever. Je prends la photo à l’endroit où je suis, et vais voir jusqu’où va
l’autre route. Après un petit kilomètre, elle arrive elle aussi à un petit col,
sans plus d’indication que le précédent. Je prends une nouvelle photo, et je
fais demi-tour en espérant avoir bien franchi le passage requis pour le BIG (finalement le BIG se trouve bien au premier
carrefour, cf. photo ; pas la peine d’aller voir plus loin sur l’autre
route).
La
descente qui suit se fait en surplomb d’une vaste plaine, la matinée touche à
sa fin et je me dis que je ne vais pas avoir froid arrivé en bas. J’avais là
aussi envisagé pour arriver à Nuoro une petite route parallèle à la nationale,
un peu plus au nord. Mais j’ai été échaudé la veille par mon itinéraire bis, et
je commence à me sentir un peu moins attiré par le charme des chemins de
traverse tourmentés et mal revêtus. De plus, je pense aux 3-4 jours d’absence
que j’ai annoncés à mon épouse, et je commence à me demander de combien je vais
les dépasser. Je tourne quand même à gauche à l’endroit prévu, mais avec beaucoup
de réticence intérieure. Comme la veille je me retrouve devant une route
minuscule, au revêtement granuleux à souhait, et retourne donc aussitôt sur la
route principale. Néanmoins, je pense qu’à une période moins cuisante que le
début août, et si on n’est pas trop pressé, la petite route est certainement
plus agréable.
A
Nuoro je m’arrête pour manger et repars dans la descente en direction de
Dorgali. Au bout d’une heure, je commence à apercevoir un joli lac sur ma
droite (lago del Cedrino). Je m’en approche peu à peu jusqu’à me trouver face
au pont qui le traverse. Je m’accorde une petite pause avant le pont, d’autant
que je vois bien, comme c’est invariablement le cas, que la route reprend la
pente ascendante dès la sortie du pont.
La montée vers Dorgali
est éprouvante du fait de la chaleur, que je subis d’ailleurs depuis plusieurs
heures. Tout en pédalant, j’évalue mentalement toute
la distance qu’il me reste à parcourir. J’avais prévu un itinéraire du nord au sud de la Sardaigne, passant par tous les BIG jusqu’à Cagliari, avec une remontée en train jusqu’à Olbia et un retour en vélo d’Olbia à Santa Teresa Gallura (ce n’était peut-être pas une très bonne solution, voir plus loin mes considérations à ce sujet). Je calcule qu’il reste environ 300 km jusqu’à Cagliari avec quatre BIG à grimper, la remontée de la Sardaigne en train, le tronçon Olbia–Santa Teresa à faire en vélo, la traversée en bateau, sans oublier le retour une fois rejoint la Corse, de Bonifacio jusqu’à Poggio-di-Nazza. D’une part cela fait beaucoup en regard de la durée d’absence que j’ai annoncée (un petit peu d’optimisme soit, mais doubler le délai prévu, on risque de trouver ça un peu exagéré), d’autre part je suis à ce moment-là en train de monter une côte sous une chaleur accablante, et la perspective d’encore plusieurs journées sous le cagnard m’effraie un peu. Je prends donc à ce moment-là la décision de ne pas m’arrêter le soir, et de continuer à rouler pendant la nuit. Je profiterai moins, forcément, de l’étendue des paysages que je traverserai mais d’un autre côté j’apporte une solution à mes deux principales préoccupations du moment. Et puis pour un cycliste, l’important après tout c’est de pédaler.
la distance qu’il me reste à parcourir. J’avais prévu un itinéraire du nord au sud de la Sardaigne, passant par tous les BIG jusqu’à Cagliari, avec une remontée en train jusqu’à Olbia et un retour en vélo d’Olbia à Santa Teresa Gallura (ce n’était peut-être pas une très bonne solution, voir plus loin mes considérations à ce sujet). Je calcule qu’il reste environ 300 km jusqu’à Cagliari avec quatre BIG à grimper, la remontée de la Sardaigne en train, le tronçon Olbia–Santa Teresa à faire en vélo, la traversée en bateau, sans oublier le retour une fois rejoint la Corse, de Bonifacio jusqu’à Poggio-di-Nazza. D’une part cela fait beaucoup en regard de la durée d’absence que j’ai annoncée (un petit peu d’optimisme soit, mais doubler le délai prévu, on risque de trouver ça un peu exagéré), d’autre part je suis à ce moment-là en train de monter une côte sous une chaleur accablante, et la perspective d’encore plusieurs journées sous le cagnard m’effraie un peu. Je prends donc à ce moment-là la décision de ne pas m’arrêter le soir, et de continuer à rouler pendant la nuit. Je profiterai moins, forcément, de l’étendue des paysages que je traverserai mais d’un autre côté j’apporte une solution à mes deux principales préoccupations du moment. Et puis pour un cycliste, l’important après tout c’est de pédaler.
Satisfait
de ma décision, je m’arrête à Dorgali afin d’assurer le ravitaillement pour la
nuit. Je reprends la route l’esprit léger (et le vélo un peu alourdi) à
l’assaut de la Genna Silanna. Bonne surprise, tout le long du col la pente est
très douce, on doit osciller autour du 3%, mais pendant 20 kilomètres, ce qui
fait qu’on arrive à plus de 1000 m d’altitude. La route monte agréablement, en surplombant une vaste vallée
sur la droite. Le paysage est magnifique mais un peu estompé par le soleil qui
m’éclaire dans la même direction. En passant devant l’embranchement pour Cala
Gonone, j’essaye de chasser de mon esprit l’idée qu’en tournant à gauche je me
trouverai au bout de sept kilomètres de descente dans une station balnéaire où
je pourrai me baigner un buvant des rafraîchissements au bord de la mer. Non,
non, pas question, je suis là pour les BIG, je continue jusqu’au col. Là je
trouve un petit bar où les rafraîchissements sont aussi bons qu’en bas.
Après le col, la route redescend, mais se met vite à
remonter un peu. Je traverse des pare-avalanches dont la présence me surprend à
cette altitude et sur ce type de route, enfin j’attaque une franche descente.
Après l’embranchement à droite vers Urzulei, la descente se calme un peu et la
route se met à remonter vers Talana. Passé Talana, je bifurque à droite pour
aller rejoindre le prochain BIG, l’Arcu Corre Boi. Je me retrouve alors à
monter un col magnifique, avec de grands lacets et une vue très dégagée vers
l’est. Le crépuscule est en train de s’installer, ce qui donne au paysage
encore plus de sérénité. Arrivé en haut, aucun panneau, si ce n’est une
pierre gravée « Belvedere Regina della Pace », mais qui est là plutôt
pour indiquer une implantation artistique voisine. Malgré mes recherches
ultérieures sur Internet, je n’ai pas pu trouver de nom à cette montée qui est
certainement la plus belle de mon périple avec le Monte Limbara.
Une fois en haut, la route reste un moment sur un plateau, où alternent les montées et descentes assez douces. La nuit est maintenant installée et mon objectif de ne pas avoir chaud commence à être rempli au-delà de mes espérances. Je rajoute mes deux coupe-vent à ma tenue, par moments c’est supportable, mais par moments je me trouve dans des passages plus humides et plus froids qui sont loin d’être agréables (jamais content). J’arrive à un carrefour d’où part la route du Corre Boi. L’accès au col est barré par un énorme panneau disant que la route n’est plus autorisée à la circulation, qu’elle est dangereuse, plus entretenue etc, et qu’il est obligatoire de passer par la nouvelle nationale. Je décline l’invitation en me disant que cette déviation va me permettre d’être tranquille en écartant les voitures, je franchis la barrière et commence ma montée, d’abord sous les piliers de la nouvelle route, ensuite au-dessus. Comme au Genna Silana, la montée tient plus du faux-plat que du mur infranchissable. Je monte tranquillement, dépassé quand même à deux ou trois reprises par des voitures dont je me demande ce qu’elles viennent faire là à cette heure (la réciproque doit être vraie). Quand j’arrive au col, une fois de plus il n’y a aucun panneau (mais pourquoi monter des cols alors ?), je prends quand même une photo et repart dans la descente vers Fonni.
Une fois en haut, la route reste un moment sur un plateau, où alternent les montées et descentes assez douces. La nuit est maintenant installée et mon objectif de ne pas avoir chaud commence à être rempli au-delà de mes espérances. Je rajoute mes deux coupe-vent à ma tenue, par moments c’est supportable, mais par moments je me trouve dans des passages plus humides et plus froids qui sont loin d’être agréables (jamais content). J’arrive à un carrefour d’où part la route du Corre Boi. L’accès au col est barré par un énorme panneau disant que la route n’est plus autorisée à la circulation, qu’elle est dangereuse, plus entretenue etc, et qu’il est obligatoire de passer par la nouvelle nationale. Je décline l’invitation en me disant que cette déviation va me permettre d’être tranquille en écartant les voitures, je franchis la barrière et commence ma montée, d’abord sous les piliers de la nouvelle route, ensuite au-dessus. Comme au Genna Silana, la montée tient plus du faux-plat que du mur infranchissable. Je monte tranquillement, dépassé quand même à deux ou trois reprises par des voitures dont je me demande ce qu’elles viennent faire là à cette heure (la réciproque doit être vraie). Quand j’arrive au col, une fois de plus il n’y a aucun panneau (mais pourquoi monter des cols alors ?), je prends quand même une photo et repart dans la descente vers Fonni.
Arrivé en
haut, comme il fait nuit noire, je n’aperçois pas les bâtiments qui marquent
l’arrivée du BIG. Je continue donc environ 500 m sur une route
assez plate, mais qui n’est plus goudronnée. J’arrive finalement à un portail après lequel il n’y a plus rien. Il fait bien froid à 1300 m d’altitude, j’ai déjà sur le dos tous les vêtements cyclistes que j’avais emportés, je récupère en plus dans ma sacoche un t-shirt qui faisait partie de ma tenue civile pour après le vélo, que je rajoute dans la perspective du long trajet dans le froid qui m’attend maintenant (une remarque en passant : sur la même route que le Monte Spada se trouve l’embranchement vers le refuge de Bruncu Spina, qui avec 1570 m d’altitude est présentée comme la plus haute route de Sardaigne, et qui ferait peut-être un meilleur BIG, mais je n’y suis pas monté pour confirmer).
assez plate, mais qui n’est plus goudronnée. J’arrive finalement à un portail après lequel il n’y a plus rien. Il fait bien froid à 1300 m d’altitude, j’ai déjà sur le dos tous les vêtements cyclistes que j’avais emportés, je récupère en plus dans ma sacoche un t-shirt qui faisait partie de ma tenue civile pour après le vélo, que je rajoute dans la perspective du long trajet dans le froid qui m’attend maintenant (une remarque en passant : sur la même route que le Monte Spada se trouve l’embranchement vers le refuge de Bruncu Spina, qui avec 1570 m d’altitude est présentée comme la plus haute route de Sardaigne, et qui ferait peut-être un meilleur BIG, mais je n’y suis pas monté pour confirmer).
Je
retrouve la route qui vient de Fonni après la descente du Monte Spada. Je
progresse dans la forêt, tout seul dans la nuit. De temps en temps, je dérange
quelques sangliers dont j’entends les cavalcades. Je m’accorde un nouveau petit
somme, puis j’arrive à un endroit où un dilemme se pose à moi. Le chemin le
plus rapide en kilomètres et dénivelé passe par l’Arcu Guddetorgiu, mais j’ai
des doutes sur la route, est-elle goudronnée ou non ? Finalement j’opte
pour la sécurité et je prends la descente vers Desulo. Arrivé en bas, je repars
dans une légère montée pendant plusieurs kilomètres. La fin de la nuit
approche, j’ai déjà pu sentir l’odeur de quelques boulangeries en traversant
des villages endormis, et j’aspire de plus en plus à un bon petit déjeuner. En
traversant Aritzo, je vois avec joie un bar ouvert, très matinal car il est à
peine cinq heures du matin. A l’intérieur, un mur entier est consacré à des
photos immenses de l’équipe de football, qui a l’air de monter d’une division
chaque année. Je les félicite intérieurement et vais vite dévaliser la vitrine
des viennoiseries, que j’accompagne d’un double café, puis d’un autre.
J’apprécie l’instant car ces passages de la solitude de la nuit à une nouvelle
journée qui commence sont certainement un des meilleurs moments de ces voyages
à vélo.
A cet endroit
se situe, je m’en suis rendu compte après coup, ma plus grosse erreur
d’itinéraire. Je m’embarque sur une petite route, vers Gadoni et Seulo, alors
qu’il aurait été beaucoup plus rationnel de rester sur la route où j’étais. Ce
mauvais aiguillage m’aura coûté 18 km et 600 m de dénivelé. Elaborer un itinéraire sur des distances aussi longues
n’est pas toujours évident, mais c’est la vie. En tout cas ça m’aura permis de
longer le joli lac Flumendosa. A la sortie du lac, j’aperçois sur ma droite, un
peu en retrait de la route, une maison sous les arbres dont la construction
semble avoir été abandonnée après l’érection des murs et du toit. Comme j’ai à
nouveau un petit peu sommeil, je me dis que l’endroit est propice et j’en
profite pour une dernière petite sieste du matin.
A
mon réveil, malgré la proximité du lac, je n’aperçois aucun aigle, ni noir ni
rouge. Je reprends donc ma route vers la Punta Serpeddi. Je suis maintenant sur
une route plus importante, mais après Senorbi je retrouve une route plus
tranquille vers Dolianova. Je sais que pour monter en haut de la Punta Serpeddi
il n’y a pas de route goudronnée, j’ai essayé de m’enquérir sur les forums
italiens de la praticabilité de la piste pour un vélo de route, mais soit j’ai
été mal renseigné, soit j’ai mal compris la réponse, car l’opération s’est
avérée impossible.
Mais
n’anticipons pas. J’arrive à Dolianova en fin de matinée. Comme la veille la
température est très élevée. Je m’arrête à l’ombre pour me restaurer un peu et
je repars vers le dernier objectif de mon voyage. Le début du trajet se fait
sur une route goudronnée, à peine vallonnée, et pratiquement déserte. Je pense
avec appréhension au bon morceau de montée en perspective, sans compter que je
suis en train de cuire dans la campagne surchauffée, alors je m’arrête un
instant, enlève tout ce que j’ai sur le dos, ne gardant que mon maillot
cycliste, range tout dans ma sacoche, et je planque la sacoche au fond d’une
haie d’arbustes, dans un endroit que je prends bien soin de repérer pour la
retrouver au retour.
Ainsi allégé,
je repars de plus belle. Peu après la pente se durcit, je traverse une sorte
d’établissement qui semble abandonné, et juste après j’affronte deux épingles
où la route doit atteindre allègrement les 20%. En haut de ce passage,
l’horizon se dégage et j’aperçois désormais l’ensemble du massif. La pente est
tout de suite moins forte, mais le goudron s’arrête également. Je commence à
avancer prudemment sur la piste mais ma progression devient de plus en plus
difficile. Je parcours péniblement un kilomètre mais à un moment, je me bloque
sur un caillou et me retrouve à terre. Je pense aux 10 km restants, qu’il
faudra refaire en descente, et à la difficulté que j’ai eu à en faire un seul.
D’autre part toute la montagne me paraît absolument déserte à ce moment-là et
j’avoue que j’ai un peu peur des conséquences si je devais me retrouver à
nouveau par terre, avec moins de chance cette fois. Bref, je me dis que la
tâche est par trop ardue, que la Punta Serpeddi ne devrait pas disparaître dans
les mois qui vont venir et que cela me donnera l’occasion de revenir visiter la
Sardaigne. Je n’ai certainement pas non plus choisi le côté le plus accessible,
qui doit définitivement être celui de Burcei, et je me promets que l’année
prochaine j’arriverai là-haut coûte que coûte.
Je
me résigne donc à faire demi-tour, redescends prudemment la portion en terre et
retrouve rapidement mes affaires au bas de la descente. Il me reste encore 20
km de plat jusqu’à la gare de Cagliari, qui risquent de ne pas être une partie
de plaisir sous la température du début d’après-midi. Heureusement, sur les
longues lignes droites qui m’amènent vers mon but, j’ai la joie d’être aidé par
un vigoureux vent arrière. J’avance à 40 km/h sans presque pédaler et je
remercie le ciel d’abréger la fin de mon trajet de manière si sympathique. Je
traverse Cagliari un peu au jugé, j’arrive à la gare et prends mon billet. Je suis
maintenant tranquille jusqu’au départ du train et je profite de ce moment
délicieux pour déguster une bonne glace.
J’avais
choisi pour rentrer au bateau l’option la plus courte, à partir d’Olbia, mais
je redoutais un peu ce dernier tronçon. A la descente du train, il est 8 heures
du soir et je m’accorde une pause repas. Quand je repars il fait pratiquement
nuit. Je rejoins bientôt l’échangeur de la nationale, c’est tout à fait le
genre de route qu’on n’a pas du tout envie de prendre lorsqu’on est en vélo.
Mais j’ai beau regarder ma carte, il n’y a pas d’alternative. Au bout de deux
kilomètres fort inconfortables, j’arrive à un rond-point. J’ai le choix entre
prendre tout droit, le plus direct, ou à droite vers les plages. Je m’arrête
pour compter les voitures qui vont dans chaque direction. Il n’y a pas de côté
vraiment moins fréquenté que l’autre, je continue donc tout droit.
La
suite de mon trajet ressemble à un cauchemar : la route est pleine de voitures,
et il n’y pas du tout de place sur le côté. Je me colle à la barrière de
sécurité, avec des voitures qui me doublent en permanence, dont certaines
manifestent (je leur donne à peine tort) leur désapprobation de voir un vélo
sur cette route, en pleine nuit. Pour couronner le tout, je suis en train de
monter un petit col, ce qui me fait avancer encore plus lentement. En traversant
Arzachena, je me trouve tranquille tout à coup, mais c’est juste qu’une
déviation avait détourné la circulation du centre-ville, et je la retrouve à la
sortie de la ville.
Petit
à petit, les conditions s’améliorent quand même. Le flot de voitures est
toujours continu, mais un peu moins dense, la route est un peu moins
inhospitalière pour les vélos. Je me rapproche de ma destination, ce qui est
toujours bon pour le moral. Après le stress que j’ai vécu auparavant, je
ressens une petite lassitude (j’ai quand même peu dormi depuis la veille au
matin). Comme il n’est même pas minuit et que le bateau part à 7h00, je n’ai
pas de raison de me refuser une petite halte, près d’un champ où quelques
chevaux me tiennent compagnie. Après mon réveil, j’arrive rapidement au port de
Santa Teresa, où bien sûr il n’y rien d’ouvert à cette heure.
Au
port de plaisance, je trouve quelques bancs. Je m’allonge pour une petite heure
de sommeil entrecoupée par les conversations des noctambules qui déambulent sur
le port. Vers deux heures du matin, un petit vent frais se lève, et ma position
devient vite inconfortable, malgré que je me sois à nouveau bien vêtu. Je me
lève donc pour chercher une meilleure place, je tourne le coin de la rue et là
j’aperçois le paradis sur terre : un renfoncement, à côté de l’entrée d’un
hôtel, abrité de trois côtés et meublé d’un banc extrêmement accueillant, tout
juste s’ils ne l’ont pas muni d’un matelas avant mon arrivée. J’y dors trois
bonnes heures avant de redescendre au port, où la buvette a ouvert et où je
prends un petit déjeuner encore une fois bien agréable.
A
Bonifacio, je prends, comme je l’ai dit, la direction d’Ajaccio puis de Figari.
Je veux profiter de ce trajet de retour pour grimper le col de Bacinu, qui est
un peu loin de chez moi pour que j’y sois encore allé. Après Bacinu, je
m’échine encore un peu dans la montée vers Levie, le parcours entre Levie et
Zonza est assez plat, même descendant sur la fin. Après Zonza, je franchis un
nouveau BIG, le col de Bavella (bien connu celui-là). Puis je prends la
direction de Ghisonaccia, et je profite d’arriver dans l’après-midi alors que
toute la famille est descendue à la plage pour me faire remonter au village en
voiture, bonne affaire.
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